Entretien avec Pierre Hermé : Une Coupe du Monde de la Pâtisserie plus mixte, responsable et créative

Crédit photo : Stéphane de Bourgies

Quels changements majeurs avez-vous apportés à la Coupe du Monde de Pâtisserie depuis que vous en êtes devenu le président en 2019 ?

P.H : Lorsque j’ai pris la présidence en 2019, la première chose que j’ai faite a été de réaliser un audit par un organisme extérieur. Cette analyse nous a permis de poser un certain nombre de diagnostics. Ensuite, j’ai décidé de renouveler complètement le comité d’organisation, qui était auparavant exclusivement composé de chefs lyonnais et d’hommes. J’ai voulu introduire des femmes pour assurer la parité et diversifier les origines géographiques des membres. Nous avons même créé un comité international pour représenter différentes régions du monde.

Nous avons également commencé à orienter le concours vers une approche plus responsable. Cela s’installe progressivement, en fonction des possibilités concrètes d’application. Dans un premier temps, nous avions supprimé l’épreuve de glace taillée. Mais après une édition sans cette épreuve, nous avons constaté qu’elle manquait donc nous avons décidé de la réintroduire avec des proportions plus modestes. Et pour la dernière Coupe du Monde 2025, nous avons ajouté de nouveaux critères, notamment en créant un comité dédié à la partie RSE, avec des membres comme Vincent Guerlais, Aurélie-Claire Collomb et Johana Le Pape, pour travailler sur l’évolution durable du concours. Nous avons aussi modifié les dispositifs des box : cette année, par exemple, nous avons introduit le concept du food truck dans le show chocolat du concours. Cela a permis de rompre avec la redondance entre l’entremets glacé et l’entremets chocolat. Nous avons ainsi offert plus de liberté créative aux participants.

Concernant les critères écoresponsables, j’ai vu qu’il y avait aussi une évolution pour éviter le gaspillage, même en ce qui concerne le chocolat.

P.H : Effectivement. Nous avons constaté qu’auparavant, pour être sûrs de ne pas prendre de risques, les candidats prévoyaient bien plus de matière première que nécessaire, parfois le double, voire le triple de chocolat. Aujourd’hui, nous les incitons à prévoir uniquement ce dont ils ont réellement besoin. Cette démarche s’applique également à la saisonnalité, selon les produits disponibles à chaque période de l’année dans chaque pays.

Comment avez-vous défini le thème de l’édition « Patrimoine National » ?

P.H: Ce thème a été choisi car il permet aux équipes d’exprimer leur identité et de présenter des éléments de leur culture. C’est un choix qui donne plus de liberté que des thèmes plus éloignés de leurs traditions. Et je pense que c’était une bonne idée. Le show chocolat, en particulier, a bien illustré cette liberté, avec des mises en scène créatives et une volonté de valoriser chaque sculpture.

Quelles sont vos plus grandes satisfactions dans ce concours, particulièrement cette année ?

P.H : Ma plus grande satisfaction c’est d’avoir réussi à réunir un comité extrêmement diversifié, dans une ambiance positive, avec une bonne synergie et beaucoup de bienveillance. Cela a créé un vrai dialogue constructif entre les membres et facilité le travail des équipes. Nous avons tous le même objectif : faire évoluer le concours.

Et comment ce type de compétition influence-t-il l’évolution du métier de pâtissier selon vous ?

P.H: Les concours sont souvent des moteurs d’innovation. Beaucoup de candidats développent de nouvelles techniques, que ce soit pour le travail décoratif ou le goût. Par exemple, la première fois que j’ai vu un entremets glacé avec une garniture formant un dessin à l’intérieur, c’était à la Coupe du Monde de Pâtisserie. Depuis, cette technique s’est diffusée dans d’autres concours et dans les boutiques. Ce genre d’innovation est désormais quasiment systématique dans chaque équipe. C’est vraiment fascinant de voir comment ce concours inspire les pâtissiers à repousser les limites de leur créativité.

Et quelle équipe vous a le plus impressionné, tant par son esprit d’équipe que par sa créativité et l’utilisation de techniques nouvelles ?

P.H: Il y a plusieurs équipes qui m’ont impressionné, comme celle du Japon, de la France, et de l’Italie. Elles ont montré une forte volonté de gagner et ont travaillé dans un esprit d’équipe très solidaire. Leur préparation a été intense et très structurée, ce qui a permis de créer des œuvres d’une grande qualité. C’est toujours un plaisir de voir de telles équipes en action.

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