Originaire de Lyon, Marie Meunier a toujours baigné dans l’univers de la pâtisserie. Après un Master en art culinaire et management de la restauration à l’Institut Paul Bocuse, elle affine son savoir-faire et ses expériences en se formant auprès des plus grands noms de la pâtisserie française : comme la maison Pierre Orsi à Lyon, puis au Plaza Athénée aux côtés de Christophe Michalak, suivi du restaurant Thoumieux avec Jean-François Piège et Jeffrey Cagnes. Elle poursuit son ascension avec un poste de demi-cheffe de partie au Four Seasons George V à Paris.
Mais à 27 ans, une opportunité inattendue bouleverse sa carrière : elle obtient un poste de cheffe pâtissière exécutive au Lux* Grand Gaube pendant 4 ans, un hôtel cinq étoiles à l’île Maurice où elle imagine les cartes des cinq restaurants de l’établissement tout en gérant une équipe de 30 personnes avant de poursuivre au Lux* Grand Baie. Une nouvelle aventure humaine et professionnelle s’offre à elle où l’apprentissage et la transmission des savoirs sont au cœur de son engagement.
Sa pâtisserie se distingue par sa finesse et sa délicatesse où les saveurs exotiques côtoient l’excellence des produits locaux, tout en l’allégeant et en la desucrant. Passionnée et audacieuse, Marie est prête à relever tous les challenges pour faire rayonner son savoir-faire à travers le monde.
“L’expatriation m’a permis d’évoluer bien plus vite”

Pourquoi avoir quitté la France pour t’expatrier à l’île Maurice ?
Marie Meunier : “Ce qui m’a vraiment attirée à Maurice, c’est le cadre de vie. Quand je suis arrivée il y a sept ans, avant de devenir consultante, je travaillais pour le groupe Lux*, un groupe hôtelier avec plusieurs établissements. J’ai participé à plusieurs ouvertures d’hôtels, à Maurice et aux Maldives. Cela m’a permis de voyager tout en découvrant des cultures différentes. Quand je suis partie de France, j’étais demi-cheffe de partie au Georges V et j’ai pris un grand risque en arrivant ici : j’ai eu mon premier poste de cheffe pâtissière exécutive au Lux* et formé une équipe de 30 personnes. C’est une opportunité inespérée que je n’aurais jamais eu en France. Le voyage, c’est une vraie ouverture sur le monde, sur d’autres cultures, d’autres saveurs. Ça m’a permis de me développer humainement et professionnellement. Et même si on n’est pas toujours au centre de l’attention, on arrive à faire notre chemin, à réussir là où l’on est.”
Quelles ont été les plus grandes difficultés que tu as pu rencontrer lors de ton installation à l’île Maurice ?
Marie : “Le problème de la barrière linguistique ne s’est pas posé puisqu’à Maurice, ils sont francophones. En revanche, l’adaptation a été un vrai challenge. Travailler avec une équipe ayant des méthodes différentes de celles que je connaissais en France m’a demandé beaucoup d’écoute et d’humilité. Il fallait aussi comprendre les ingrédients locaux, leurs spécificités, et apprendre à valoriser un terroir dont je ne connaissais pas toutes les richesses. Pendant six ans, je suis allée à la rencontre des fournisseurs et des producteurs locaux car ici à Maurice, la notion de produits locaux était encore très nouvelle. Et puis, il y a aussi les repères. Les produits exotiques qui changent en fonction de l’endroit où tu te trouves. Pour moi, en France, des produits comme la mangue ou le manioc étaient exotiques, alors qu’ici, à Maurice, ce sont les abricots et les pêches qui le sont. Cela m’a fait réaliser que l’exotisme dépend du contexte.

Au-delà de cela, il y a la distance avec la famille qui a été difficile pour moi. Ce sont les six premiers mois à Maurice qui ont été difficiles mais une fois cette phase d’adaptation passée, j’ai su que j’avais fait le bon choix.”
“Le terroir mauricien est un vrai trésor à explorer”
Travailler sur une île, c’est plutôt idyllique ou contraignant ?
Marie : “L’importation des produits ne pose pas vraiment de problème. On a 2 à 3 vols en provenance de Rungis chaque semaine, donc c’est assez régulier. Je travaille aussi avec du chocolat de qualité, donc on arrive à obtenir presque tout ce dont on a besoin ici à Maurice. Le principal challenge réside dans les coûts d’importation qui ont considérablement augmenté, notamment avec les frais de transport. Cependant, ce qui fait vraiment la beauté de Maurice, c’est son terroir. C’est d’ailleurs pour cela que ma nouvelle entreprise s’appelle “Marie Meunier Pâtisseries & Terroir” : je voulais mettre en avant des produits locaux dont on parlait peu. À Maurice, on trouve du cacao, de la vanille, des agrumes, du miel, des épices, des fruits et bien d’autres produits intéressants. Le lait fermier, on le reçoit directement de la ferme plusieurs fois par semaine. En revanche, il est plus difficile de trouver de la farine de qualité comme en France.”


Les Mauriciens consomment-ils différemment la pâtisserie ?
Marie : “Oui ! L’île Maurice est un vrai melting-pot culturel. Par exemple, lors de la fête Diwali, on mange des Laddu (gâteaux de pois chiches) et des gâteaux à base de patates douces, noix de coco et cardamome, très sucrés. Pour le Nouvel An chinois, on fait des mooncakes et des gâteaux à la cire d’orange.
Il y a une vraie différence entre la clientèle mauricienne et les touristes. Les touristes sont curieux de découvrir le terroir mauricien, alors que les Mauriciens raffolent de gâteaux cuits à la vapeur ou frits comme les “gâteaux patates” et de certaines saveurs marquées, comme la cannelle, la cardamome ou encore la pistache. D’ailleurs, ici, ce qu’on appelle « pistache » en créole, c’est en réalité de la cacahuète ! Donc, quand on parle de gâteau à la pistache, pour moi, c’est avec de la pistache verte, mais pour eux, c’est à la cacahuète.
Les Mauriciens raffolent aussi des pâtisseries européennes qui sont très réputées à Maurice, comme les fraisiers ou les tartes aux fraises. Pour remplacer les fruits rouges, j’ai trouvé une alternative locale : les « framboises sauvages ». C’est un petit fruit qui oscille entre douceur et acidité, mais qui n’a pas exactement le même goût que nos framboises en France. Ça rappelle un peu les bonbons.”

Comment as-tu intégré ces influences dans tes créations ?
Marie : “J’ai imaginé des desserts qui mêlent techniques françaises et produits locaux : un Paris-Brest praliné noix de coco et mon dessert signature, le Coquillage à la vanille faits au Lux* Grand Gaube ainsi qu’un Bilimbi (fruit acide similaire au carambole) en trompe-l’oeil ou encore une tartelette aux framboises locales.”
Y a-t-il un dessert qui te tient particulièrement à cœur ?
Marie : “Ils me tiennent tous à cœur, car chacun est lié à un producteur, mais si je devais en choisir un, ce serait le coquillage à la vanille. Je l’ai créé à la naissance de mon fils, en m’inspirant d’un jouet de plage. Il associe mousse, crémeux, biscuit et praliné autour de la vanille, qui évoque pour moi l’enfance. J’ai aussi développé une version au badame, une amande locale rappelant le pignon de pin. Ce dessert a particulièrement touché mon équipe, car il évoque leurs souvenirs d’enfance. Je voulais créer un dessert qui parle autant à mon histoire qu’à celle des Mauriciens.”


Comment travailles-tu la pâtisserie sous climat tropical ?
Marie : “On travaille dans des laboratoires climatisés. Là, par exemple, il fait 35°C avec 90 % d’humidité. Ça demande de la vigilance, mais ce n’est pas un frein. Il faut juste adapter les textures, parfois ajouter un peu de gélifiant, mais rien d’excessif. De toute façon, les clients s’organisent : ils ont des voitures climatisées, donc pas besoin de sur-gélifier les crèmes ou mousses.”
Et pour des matières sensibles comme le chocolat ou la pâte feuilletée, tu as dû modifier tes techniques ?
Marie : “Pas pour le chocolat car nous travaillons dans des laboratoires climatisés. C’est surtout pour la pâte à croissant et le pain, plus fragiles sous ce climat qu’on doit gérer l’humidité. On utilise la surcongélation, mais ça se fait aussi en France avec les cellules de refroidissement. Toutefois, certains ingrédients essentiels, comme la farine, ne sont pas de la même qualité qu’en France, ce qui pose problème pour la boulangerie : Le fait de ne pas avoir de farine de qualité joue sur le pain. La texture, la mie, le goût sont différents. Il faut savoir s’adapter et retravailler les recettes en fonction des matières premières locales. Finalement, l’expatriation nous pousse à trouver des solutions auxquelles on n’aurait pas pensé et à innover.”
“L’expatriation pousse à innover”
As-tu dû faire des ajustements pour préserver la qualité des produits dans ce climat tropical ?
Marie : “Pas vraiment. Mon approche a toujours été de trouver en France les produits dont j’avais besoin ou d’exploiter le meilleur du terroir mauricien. Les Mauriciens, comme les Français, accordent beaucoup d’importance au visuel. Ils aiment les pâtisseries très colorées, et au début, j’ai vu beaucoup de colorants en laboratoire. J’ai progressivement changé cette habitude. À Maurice, il y a encore un peu de retard sur certaines techniques et la connaissance des produits, mais ça évolue.”
“Aujourd’hui, je transmets mon savoir-faire”

Aujourd’hui, tu as quitté le groupe Lux* pour te lancer dans le consulting. Qu’est-ce qui t’a motivée à faire ce choix ?
Marie : “Après six ans avec Lux*, j’ai eu envie de voler de mes propres ailes. J’adore transmettre mon savoir-faire et aider les établissements à structurer leur offre pâtissière. Aujourd’hui, je travaille en tant que consultante pour des hôtels à Maurice, à La Réunion ou aux Émirats. J’accompagne des équipes sur la création de cartes, la formation et la mise en avant des produits locaux. Je continue aussi à proposer des pâtisseries en édition limitée, notamment pour les fêtes comme Noël et Pâques.”
Envisages-tu de retourner en France, ou ton installation à Maurice est-elle définitive ?
Marie : “Rien n’est jamais définitif. Pour l’instant, je me plais ici : la qualité de vie, le climat, la plage après l’école avec mon fils. Je me suis habituée à cette douceur de vivre.”
Avec quels chefs pâtissiers es-tu restée en contact pour suivre les tendances et peut-être en apporter certaines à Maurice ?
Marie : “Je suis restée en contact avec Christophe Michalak, qui m’a beaucoup inspirée et Angelo Musa. J’échange aussi avec Alice Barday et Franck Michel mais aussi Jérôme De Oliveira, Yann Brys et Pierre Hermé. Quand j’ai quitté Lux* pour me lancer en consulting, j’ai appelé Christophe Michalak pour bénéficier de ses conseils et éviter de faire certaines erreurs.”

Quel conseil donnerais-tu à un(e) chef(fe) qui souhaite s’expatrier ?
Marie : “Il faut être prêt à remettre en question ses acquis et à sortir de sa zone de confort. L’expatriation demande une vraie capacité d’adaptation. Avant de partir, c’est essentiel d’avoir une formation solide dans des maisons réputées. Cela permet d’être crédible à l’étranger et d’évoluer plus facilement une fois sur place.”

Crédit photos : Lar Glutz pour Marie Meunier