Ils étaient à la tête de la pâtisserie chez Dalloyau et au Royal Monceau. Après avoir marqué leur passage dans ces maisons prestigieuses, Jérémy Del Val et Quentin Lechat ont pris la décision de quitter leurs postes. Des décisions qui ne résultent pas d’un départ précipité mais plutôt le fruit d’une réflexion profonde. Après des années de création intense et de responsabilités grandissantes, ils ont ressenti le besoin de redéfinir leur rapport à la pâtisserie et d’explorer de nouvelles voies, plus personnelles et plus libres.
Où en sont-ils aujourd’hui ? Quels sont leurs nouveaux projets ?
Entretien avec deux chefs qui n’ont pas fini de nous surprendre !
Pourquoi avez-vous quitté vos établissements respectifs ?
Jérémy Del Val :
« Après dix ans chez Dalloyau, j’avais vu la maison évoluer, changer plusieurs fois de direction, d’objectifs. Cette dynamique constante m’a toujours motivé mais à un moment, j’ai ressenti le besoin de voir autre chose. Ce n’était pas le manque de challenges, parce qu’il y en avait beaucoup chez Dalloyau – c’est une entreprise en perpétuel renouvellement. Mais personnellement, après une décennie, j’avais envie d’évoluer et pourquoi pas, de quitter Paris aussi à terme. Ce départ de chez Dalloyau me permettait de prendre un peu de recul et de réfléchir à mes prochains projets. »
Quentin Lechat :
« Ce qui m’a fait rejoindre le Royal Monceau à l’origine, c’était les relations humaines. Le contact que j’avais avec les dirigeants de l’époque était super. Mais avec les nouveaux responsables, les décisions qui ont suivi ne correspondaient plus à ma vision. Je ne me reconnaissais plus dans les orientations prises. C’est vraiment ce changement qui m’a poussé à partir. Par contre, ma brigade était incroyable, et elle l’est toujours. Ce n’est clairement pas à cause de l’équipe que j’ai quitté l’établissement. A 34 ans, j’avais en tête depuis longtemps l’idée d’entreprendre. Je me suis dit que c’était le moment idéal pour me lancer. »
Qu’est-ce qui vous a motivé à emprunter cette nouvelle direction après votre départ ?
Jérémy Del Val :
« J’avais surtout envie de changement. En quittant Dalloyau, l’idée de partir de la région parisienne me trottait en tête. Être sans poste me permettait de prendre un peu de temps pour réfléchir à ce que je voulais vraiment faire, explorer d’autres opportunités et ne pas précipiter les choses. J’ai rapidement eu des opportunités, mais je souhaitais vraiment tester quelque chose de différent, d’où mon envie de m’orienter vers le consulting. »
Quentin Lechat :
« Le Royal Monceau, c’était un environnement ultra stimulant, presque addictif. Au début, on avait l’impression que tout était possible, qu’il n’y avait aucune limite. Mais à force, j’ai senti que ça me lassait. Le rythme, les décisions imposées, m’ont fait perdre un peu de cette passion qui m’animait au départ. Quand j’ai quitté l’établissement, c’était une libération. Ma passion pour la pâtisserie est revenue. Aujourd’hui, je crée sans contrainte, à mon rythme, et surtout en écoutant ce que les clients veulent. Je m’affranchis des diktats des réseaux sociaux ou des tendances. Je travaille désormais sur le développement de ma propre marque. Une identité forte, axée sur la création et le plaisir du client. »
Comment votre vision du métier a-t-elle évolué après votre expérience dans ces grandes maisons ?
Jérémy Del Val :
» Dalloyau m’a formé sur deux points essentiels. D’abord, j’ai appris à mesurer les coûts d’une pâtisserie. Quand on produit en grand volume, il faut comprendre les coûts de fabrication, les matières premières, la logistique. Et puis, en tant que chef exécutif, j’ai aussi appris à gérer une équipe, et pas n’importe quelle équipe : 28 personnes. Ce n’est pas la même chose que de gérer 5 ou 10 pâtissiers. C’est un autre niveau de management. Chaque personne est différente et il faut savoir s’adapter. Cette expérience m’a énormément fait grandir en tant que chef et manager. »
Quentin Lechat :
« Pour moi, la leçon la plus importante, c’est la gestion, qu’elle soit humaine ou financière. J’ai appris à gérer des coûts, à comprendre le business dans son ensemble. Ce que le Royal Monceau m’a vraiment enseigné, c’est le rôle de chef au sens large : gérer une équipe, être à l’écoute, prendre des responsabilités. Aujourd’hui, je sais que je n’ai pas toutes les réponses, et je n’hésite pas à m’entourer de spécialistes pour me guider dans les domaines où je suis moins à l’aise, comme le développement commercial. »
Quels projets avez-vous envisagés après avoir quitté vos postes de chef pâtissier ?
Jérémy Del Val :
« J’ai été approché pour plusieurs projets, mais ce qui m’intéressait vraiment, c’était de me lancer dans le consulting. Cela me permettait d’aborder la pâtisserie différemment, avec plus de liberté. Pour l’instant, ça me plaît beaucoup. Chaque mission est différente et c’est ce que j’aime dans ce métier. Je reste dans l’univers de la pâtisserie, mais je ne suis pas fermé à explorer d’autres secteurs, ou même d’autres manières de travailler. »
Quentin Lechat :
« De mon côté, on m’a proposé plusieurs collaborations avec des marques, et certaines m’intéressent. Mais pour l’instant, je mets tout ça en stand-by. Mon focus principal, c’est le développement de ma marque personnelle. Je veux créer une véritable identité, une marque forte qui ne soit pas uniquement liée à moi en tant que personne, mais qui se distingue par ses créations. »
Jérémy, qu’est-ce qui vous plaît dans le consulting par rapport à votre ancien poste de chef chez Dalloyau ?
Jérémy Del Val :
« Le plus grand avantage, c’est la liberté. Je travaille pour moi, à mon rythme, je choisis mes projets. Mais bien sûr, il y a l’inconvénient de devoir constamment chercher des clients. Cela dit, j’apprécie cette diversité dans les missions. Chaque projet est unique, que ce soit des boutiques, du traiteur, ou encore des formations et masterclasses à l’international. »
Envisagez-vous de reprendre un poste de chef pâtissier dans un établissement à l’avenir ?
Jérémy Del Val :
« Pour l’instant, j’apprécie cette pause et cette liberté. Mais rien ne m’est fermé. Si une belle opportunité se présente, je pourrais envisager de retourner dans un établissement. »
Quentin Lechat :
« Non, je n’envisage pas du tout de retourner à un poste de chef pâtissier dans une structure. Mon avenir, pour l’instant, est dans l’entrepreneuriat. Je me concentre exclusivement sur mon projet personnel et je n’ai pas envie de revenir en arrière. »
En regardant en arrière, comment évaluez-vous votre décision de quitter vos postes respectifs ?
Jérémy Del Val :
« Des regrets, tout le monde en a. Mais je préfère me concentrer sur les bons souvenirs. Ma plus grande fierté, c’est d’avoir remporté le titre de Champion de France du Dessert. Ce n’est pas un aboutissement en soi, mais c’est un titre dont je suis extrêmement fier. Et aujourd’hui, je continue à faire à travers mes projets ».
Quentin Lechat :
« Je n’ai aucun regret. Quitter le Royal Monceau m’a permis de retrouver ma passion pour la pâtisserie et de me lancer dans une aventure qui me correspond vraiment. Je suis fier du chemin parcouru et encore plus excité par ce qui arrive. »
Quels sont vos projets à long terme ?
Jérémy Del Val :
« Je travaille sur plusieurs collaborations, notamment avec Cyril Gaidella, un autre Champion de France du Dessert et un ami proche. On a des projets ensemble qui devraient voir le jour bientôt. J’aimerais aussi développer davantage de collaborations en pâtisserie. Avant l’été, j’ai participé au Lyon Street Food avec les frères Dorner et Quentin Lechat, c’était une expérience incroyable. J’aimerais aussi faire plus de projets à quatre mains avec d’autres chefs pâtissiers. C’est une pratique qu’on voit peu en pâtisserie, alors que les chefs de cuisine le font beaucoup. »
Quentin Lechat :
» Mon focus est entièrement sur le développement de ma marque. C’est un projet qui me tient à cœur, et je veux vraiment créer une identité forte, où la qualité et le plaisir du client sont au centre de tout. »
Si Jérémy Del Val a été motivé par l’envie de changement et d’indépendance, Quentin Lechat, de son côté, a quitté le Royal Monceau pour retrouver sa liberté créative. Sentant que son inspiration s’était étiolée sous les directives imposées, il a ressenti le besoin de reprendre son indépendance et de renouer avec sa passion, en se réinventant en tant qu’entrepreneur pour reprendre le contrôle sur ses créations. Si Jérémy explore les différentes facettes de la pâtisserie à travers le consulting et les collaborations, Quentin se concentre sur la création de sa propre marque.
Restez connectés, une belle collaboration de Jérémy Del Val avec Cyril Gaidella arrive dans les prochaines semaines !