Sélection France de la Coupe du Monde de la Pâtisserie 2027

Lundi 20 octobre. Il est 6 heures du matin à la Maison de la Mutualité. Dans la pénombre matinale, 13 candidats s’apprêtent à vivre l’une des journées les plus intenses de leur carrière. 13 rêves et 3 places seulement pour porter les couleurs de la France à la Coupe du Monde de la Pâtisserie 2027. La veille, ils ont pris leurs marques, découvert leur poste, apprivoisé le matériel. Désormais, il n’y a plus de place pour les hésitations. Tout va se jouer aujourd’hui.

L’enjeu dépasse la performance individuelle. L’objectif est de dénicher trois talents capables de former une équipe soudée et complémentaire. Chaque candidat défend sa spécialité : chocolat, sucre ou glace mais la victoire finale ne se construira pas en solo. Elle reposera sur cette alchimie collective, cette capacité à transformer trois individualités brillantes en un collectif redoutable. Car la Coupe du Monde de la Pâtisserie, c’est avant tout une aventure humaine le « nous » prime sur le « je ».

Les gladiateurs du grand froid (6h30 – 16h20)

Mickael Guyader : La revanche du vice-champion (6h30 – 9h00)

Dès 6h30, Mickael Guyader, installé dans son box, commence son épreuve. Vice-champion du monde de la pâtisserie lors de la dernière Coupe du Monde, en janvier dernier, cet ancien du George V et formateur à l’ENSP d’Alain Ducasse revient avec une détermination d’acier. C’est la seconde fois qu’il passe le concours. La finale perdue quelques mois plus tôt l’a marqué. Aujourd’hui, il est décidé à prendre sa revanche.

Crédit photo : CMP
Crédit photo : CMP

Dans son box, la concentration est totale. Devant lui : un bloc de glace hydrique de 50x50x25 cm qu’il doit transformer en sculpture avant que le temps et la fonte ne le rattrapent. :L’épreuve glace est impitoyable : 2h30 pour réaliser 8 desserts glacés individuels (dont un factice) et finaliser sa pièce artistique. Les desserts doivent contenir 3 textures différentes, avec au minimum 70% de glace et 30% d’ingrédients libres, en utilisant l’une des purées de fruits Vergers Boiron.

Armé d’outils de découpe, il fait naître une pieuvre géante aux tentacules volumineuses, presque troublante. C’est une course contre la montre. L’éphémère dans toute sa splendeur et sa cruauté.

9H: Mickael présente son dessert glacé au jury. Il remplit ses shots qu’il verse comme une sauce pour accompagner son dessert glacé. Le jury observe, goûte, note. L’équilibre entre savoir-faire, créativité et esthétique sera jugé jusqu’au moindre détail.

Maïdeen Chihab : L’entrepreneur-pédagogue (10h10 – 12h40)

À 10h10, Maïdeen Chihab prend le relais. Ce candidat au parcours atypique a lancé sa propre pâtisserie en click and collect à Saint-Étienne tout en transmettant son savoir comme formateur au CFA.

Crédit photo : CMP

À 12h40, sa sculpture de glace est terminée : une sorte de totem avec une coiffe d’oiseau. Ce sens du détail est bluffant. Il commence à dresser son dessert glacé avec un voile de mangue et pose une jolie fleur fraîche dessus. C’est à la fois délicat et révérencieux.

Crédit photo : CMP

« La particularité de la glace repose sur des techniques différentes, c’est éphémère« , explique Aurélie Clerc-Colomb, membre du Comité International d’Organisation. Cela résume toute la cruauté de cette épreuve : sculpter dans une matière qui fond, créer dans l’urgence, lutter contre l’inévitable.

Axel Lebellanger : La rigueur des Compagnons du Devoir(13h50 – 16h20)

À 13h50, le dernier candidat glace entre dans son box. Axel Lebellanger, passé par les Compagnons du Devoir et les brigades d’Anne-Sophie Pic et de Yann Brys au Brach, a développé un sens aigu de la rigueur et de l’exigence. Devenu formateur et consultant indépendant, il a affûté son esprit de compétition au concours Relais Desserts « Charles Proust » en 2024.

À 15h55, il termine son dessert glacé avec une petite sauce sous forme d’élixir. Il a travaillé sur le thème du voyage de l’île de Beauté, sublimant la clémentine avec raffinement. Il travaille consciencieusement avec ce goût de l’effort et cette créativité maîtrisée et raffinée.

À 16h20, son épreuve s’achève. Les trois candidats « glace » ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Il ne reste plus qu’à attendre le verdict.

L’épreuve du “sucre” : Les sculpteurs de l’éphémère (6h30 – 10h30)

L’alchimie du sucre entre tradition et innovation

Dès 6h30, les candidats « sucre » sont plongés dans leur marathon de 4h30. Ils doivent conjuguer tradition et performance artistique: réaliser 4 tartes à la poire pour 6 personnes (dont 1 factice) et une pièce artistique de 120 centimètres maximum (socle compris), entièrement en sucre tiré et soufflé, avec intégration obligatoire d’une technique de ruban. La poire doit être l’ingrédient dominant. Le beurre Elle & Vire Professionnel est imposé. Pour prouver leur maîtrise des bases, ils doivent exécuter une technique de fonçage devant le jury.Le sucre est une matière capricieuse qui ne pardonne pas,  impossible de corriger une fois durci. Un travail qui nécessite d’être attentif et vigilant. 

Abel Nesson et Shinichirou Gemba : deux prodiges

Abel Nesson, « la force tranquille », lauréat du Concours Charles Proust 2024 et vainqueur du Trophée Stéphane Glacier 2023, découpe sa bande de sucre à 7h  l’air serein. Entré chez Lenôtre en 2019, il y a gravi les échelons. Ce jeune talent au palmarès impressionnant n’en est pas à son premier face-à-face avec le stress. À 8h22, il peaufine le patin à glace de sa patineuse artistique, une pièce à la fois graphique et rock’n’roll.

Shinichirou Gemba sculpte le sucre avec une sérénité qui confine à la méditation. Son histoire est impressionnante : programmeur japonais dans une vie antérieure, il a tout quitté pour embrasser “le sucre” et enseigne désormais à l’ENSP. Chaque courbe obéit  à une équation secrète, chaque détail pulse d’une perfection saisissante. À 10 heures, sa sculpture s’offre au regard : des fleurs d’une délicatesse aérienne, une grenouille suspendue sur son nénuphar. Une sculpture faite de grâce et de finesse.

Trois autres alchimistes du sucre dessinent leur rêve. Matthieu Jeangérard, formé à l’ENSP et chef au Brach Paris, dompte la matière pour faire naître un phonographe d’un réalisme surprenant. Théo Lefebvre, nourri par l’entreprise familiale et paré d’un Brevet de Maîtrise, étire un ruban de sucre bleu cristallin qui devient tête de poisson. Une ode au monde marin portée par l’urgence de le protéger.

Christophe Dessevres, qui transmet son savoir-faire à l’École Médéric depuis 15 ans, compose une sculpture épurée, presque zen dans sa simplicité : l’Oxymore. Quatre artistes face au sucre, cette matière capricieuse qui exige tout et ne pardonne rien.

Le public, en haut, est silencieux, attentif aux moindres faits et gestes. Dans la salle des box, les familles sont venues encourager leurs champions. 

La poire réinventée : quand la tradition devient une œuvre d’art

À 8h20, les premières tartes aux poires commencent à prendre forme. Chacun fait preuve de créativité poussée à son paroxysme. La tarte aux poires devient une œuvre d’art à part entière. Chacun joue sur les textures de la poire pour décupler ses saveurs et impressionner le jury. Le fruit pur doit s’exprimer à la dégustation pour atteindre cette quintessence du goût et l’équilibre tant recherchés : le graal pour les pâtissiers !

« Le choix de la poire n’était pas évident car c’est un fruit sensible », confie Dan Phong des Vergers Boiron, partenaire de la CMP. « Revisiter la tarte à la poire, ce n’est pas facile car c’est un fruit granuleux. J’ai échangé avec les candidats et ce n’est pas évident de trouver des solutions. »

C’est alors que l’éminent jury de dégustation arrive sur scène DONT :  Nicolas Boussin (MOF Pâtissier), Élisabeth Hot, Léandre Vivier, Desty Brami et Sacha Vadier.

Le défilé des tartes aux poires (9h30 – 9h58)

De 9h30 à 9h58, les présentations se succèdent.La tarte aux poires de Matthieu, présentée par le chef pâtissier Sébastien Bouillet, est très graphique, soulignée par un jeu de textures et la rondeur de la vanille. Une belle maîtrise et créativité.

À 9h37, celle d’Abel Nesson : sa sublime tarte aux poires est à base de crème chiboust poire-vanille. La poire est déclinée dans tous ses états, couronnée d’une belle décoration tout en transparence pour laisser voir la strate inférieure.

Romuald Meunier de « Délices et Création » ( partenaire de la CMP) commente : « Super travail sur le fruit. Travail classique remis au goût du jour, ce qui fait la différence, on a envie de déguster. Ce sont des poires du jardin et chiboust caramélisée juste sur le dessus, plus une meringue italienne, tout le côté technique ressort. » Les candidats essaient d’alléger et de désucrer leurs créations. Il est question de privilégier le bon, le beau mais aussi le sain.

À 9h46, arrive la tarte audacieuse de Christophe Dessevres : caramel aux notes de fenouil avec un praliné sorgho. Une fleur en sucre qui rappelle sa sculpture trône au centre : « Belle composition, facile de découpe. Il a fait sur le thème de l’Oxymore. Contraste marqué sur les textures et le goût. Et c’est peu sucré », commente Romuald Meunier aux côtés de Vincent Ferniot, l’animateur de la CMP. Une pièce qui met en valeur l’union des contraires : la pièce en sucre, élancée, élégante et légère comme une pièce de verrerie, contraste avec la tarte, ancrée dans le terroir français : “Ensemble, elles expriment l’alliance du raffinement et de l’authenticité.” explique Christophe

Shinichirou présente sa tarte à la poire et vanille de Tahiti en forme de pétales de fleur de Mangoustan, avec un bon jeu de textures :  « On est entre la tarte et l’entremets, peu sucré avec une acidité qui vient casser le sucre », note Romuald.

Et le côté très végétal autour d’un jeu de textures de poires et d’amande pour Quentin Werbregue, présentant quelques irrégularités au niveau de la pâte..

Crédit photo : CMP

Léandre Vivier, chef pâtissier du Burgundy, affirme : « Il y a quand même un beau niveau, c’est agréable de voir des candidats solides. On a des propositions très différentes qui permettent de faire émerger un ou deux candidats qui vont se retrouver au-dessus des autres. Ce qui m’a le plus marqué, c’est vraiment le côté très divers des propositions. On a vraiment des propositions qui sont très assumées, très différentes. On a des créations qui sont très classiques, extrêmement bien maîtrisées et des techniques qui sont beaucoup plus novatrices. C’est cette diversité qui marque. »

Desty Brami, chef pâtissier exécutif du Château de Ferrières, partage cet enthousiasme : « Il y a vraiment de très belles choses, très visuelles, très goûteuses. Maintenant, que le meilleur gagne ! »

L’assemblage final des pièces artistiques (10h – 10h30)

Les candidats poursuivent leur sculpture. Théo procède au collage de la tête du poisson dont le corps est déjà posé sur le socle. À 10h30, les pièces artistiques sont posées sur le buffet avec leur tarte revisitée. Un vrai travail d’orfèvre sur le détail et la précision.

Sous l’œil avisé de Maxime Frédéric, Président du jury, les sculptures sont dressées sur les buffets. Il observe attentivement chaque sculpture. La patineuse artistique d’Abel Nesson l’impressionne par tant de technique. Son regard s’illumine comme celui d’un enfant. Le phonographe de Matthieu Jeangérard est bluffant de réalisme, l’Oxymore suscite la curiosité. En quelques heures, ils ont abattu un travail monstrueux. 

Les maîtres de la fève de cacao (12h – 16h30)

À 12h, les cinq candidats « chocolat » entrent en scène : Damien Gendron (Potel & Chabot), Yoan Palamara (Campus du Beausset), Romain Le Clinff (Vincent Guerlais), Quentin Werbregue (Restaurant de Cédric Burtin) et Gwenael Girard (Le Couvent Des Minimes).

Ils disposent de 4h30 pour réaliser 14 créations chocolat Valrhona façon finger food (dont deux factices) et 7 minutes pour finaliser leur show devant le jury. Ils doivent également réaliser une pièce artistique en chocolat, maximum 120 cm de hauteur.

C’est l’épreuve la plus spectaculaire. En seulement 7 min, les candidats doivent finir leurs créations dans un esprit street food effréné. Tout se passe en direct sous les yeux du jury, qui déguste debout, à la main. Chaque création doit se manger en 1 à 3 bouchées maximum et marquer immédiatement les papilles. Pas de temps pour les hésitations, pas de place pour l’approximation.

L’architecture du chocolat (12h – 12h40)

Damien Gendron, originaire de Bretagne, a fait ses classes auprès d’Anne-Sophie Pic et au Chabichou. Vainqueur du Championnat de France du dessert en 2016, il est aujourd’hui responsable R&D chez Potel et Chabot. Il s’attelle à ses petits finger food sur le thème de la « Patrouille de France ».

Romain Le Clinff, Breton formé chez le célèbre chocolatier Vincent Guerlais, réalise à 26 ans un « rêve d’enfant » en participant à cette sélection, armé d’une technique affûtée par des années de compétition.

Yoan Palamara, passionné de pâtisserie et de magie, a été marqué par sa rencontre avec Christophe Michalak et Jérôme De Oliveira, double champion du monde. Aujourd’hui formateur au Campus du Beausset, il transmet son savoir et sa créativité aux jeunes générations.

À 12h40, les sculptures prennent vie. On voit des ailes d’avion se poser sur une sorte d’Arc de Triomphe pour Damien Gendron. Yoan Palamara colore ses pièces à l’aérographe. Graduellement, les formes prennent vie sous nos yeux d’enfants. On voit même des bustes de femme se dessiner comme la sculpture de Romain avec un effet bois d’ébène saisissant.

Yoan Palamara nous laisse sans voix. Il y a la technique, bien sûr. Cette précision d’orfèvre. Les risques qu’il ose prendre. Mais ce qui nous marque vraiment, c’est cette sérénité. Comme si ses mains savaient déjà où aller, comme si elles conversaient avec la matière.Sa sculpture de Ray Charles au piano, le »Sirha » gravé là, dans le sucre, est d’un réalisme qui serre le cœur. Un hommage au jazz de la Nouvelle-Orléans, à cette musique qui vibre, qui nous traverse.

Et pourtant, cette grâce n’a rien de spontané. Derrière ce savoir-faire, cette confiance tranquille, il y a des milliers d’heures. Des nuits passées à répéter, à échouer, à recommencer. En compétition, ce qui nous semble magique est en réalité le fruit d’une obsession silencieuse. C’est cette discipline-là, cette capacité à transformer la répétition en perfection, qui sépare les artisans des artistes. Les très bons des exceptionnels.

7 minutes de Show : l’animation chocolat

Yoan Palamara : La magie du jazz (15h20)

Il nous captive par ses talents de magicien et d’illusionniste qui transportent avec de la recherche, de la créativité et de l’audace. On sent l’effort personnel, cette volonté de toucher quelque chose de plus grand.

Ses bouchées sont dressées sur un petit piano boîte à musique. La mélodie :  « Fly Me to the Moon ». Au-dessus, son finger food,  le « Coco Swing », qui se déguste chaud-froid pour décupler les sensations. Une fine tuile de cacao en suspension.

Crédit photo : CMP

Thierry Bridon, chef pâtissier exécutif de l’école Valrhona (Paris) glisse à Vincent Ferniot : « Au visuel, le dressage aurait mérité plus de soin. Mais c’est magique. On va voler sur la lune, sur les traces de Frank Sinatra. »

Puis Yoan invite le jury à se rapprocher. Un colis au nom de Maxime Frédéric. Des cartes apparaissent. Chacune représente une note de jazz. Maxime doit composer des mélodies en désignant où couper. Le numéro 36 résonne. Yoan tourne la manivelle de la boîte à musique : « Fly Me to the Moon » s’élève dans l’air. Bluffant. Cohérent. Un numéro de mentaliste qui émerveille tout le monde. Il y a quelque chose d’époustouflant dans cette énergie qu’il déploie. Quelque chose qui nous rappelle que la pâtisserie, parfois, c’est aussi du rêve !

Damien Gendron : Le ballet dans les nuages (15h30)

Le jury se rassemble devant le box de Damien, prêt pour son animation sur la « Patrouille de France », un thème qui reflète l’image de la France, les émotions, le travail en équipe. Il essaie de faire faire des figures aux membres du jury. Damien a mis un casque de pilote. Sa pièce artistique comporte des nuages cotonneux :  « Vous êtes les pilotes de ce ballet sucré ». Il invite le jury à prendre l’avion. Puis, arrive la dégustation du finger food « Légèreté en escadrille » : un nuage au poivre de Voatsiperifery, opaline au grué, crémeux au chocolat 80% de Madagascar et glace au basilic thaï. Thierry Bridon soutient que c’est du : « Très beau travail » avec les arômes de basilic thaï qui amènent une touche végétale et aérienne, expérience sensorielle complète. Avec le poivre de Voatsiperifery, fruité, acidulé, longueur en bouche douce.”.

Mais Damien connaîtra des difficultés avec sa sculpture. Comme il me le confiera plus tard : « J’étais très impacté par la chaleur, j’ai mes emplacements de volutes qui ont cassé, j’ai des grosses volutes qui montaient un peu plus haut qui ont cassé, du coup j’ai dû m’adapter et trouver des solutions avec des volutes un peu plus petites pour rappeler un peu les fumées de l’avion. Le principal c’est que le travail a été fait, la pièce est sortie, le buffet est dressé. »

Romain Le Clinff : Le sourcing du terroir (15h40)

Dans l’épreuve de la sculpture en chocolat, un travail d’architecture est demandé. Esthétique et mécanique : ce doit être solide et gracieux.

Arrive Romain dont l’animation avec son chapeau de paille est plus informative. Sa création chocolatée est inspirée de son histoire. Après un apprentissage artisanal, il s’est rapidement tourné vers la pâtisserie gastronomique étoilée (Auberge des Templiers, Maison Lameloise). Finaliste du Championnat de France du Dessert en 2024, il met aujourd’hui son talent au service du Restaurant de Cédric Burtin en tant que Sous-Chef.

Romain a grandi dans un terroir qui lui a permis de découvrir les produits. Il a fait, en finger food en mettant en avant le mucilage, une mousse très aérienne « souvenirs d’enfance » tout en travaillant sur le sourcing du produit. Une présentation sous forme d’échange avec le jury s’impose.Thierry Bridon commente : « Beau travail sur le mucilage. »

Crédit photo : CMP
Quentin Werbregue et Gwenaël Girard : les derniers candidats

Quentin fait les finitions de ses finger food sur le thème « tête dans les étoiles », avec son finger food nommé « Orion » : croustillant cookie, chantilly infusée et confit au kombucha. Le stress est visible, l’animation improvisée à la dernière minute manque de lisibilité. Thierry Bridon note que « ça manquait de force dans le chocolat. »

Crédit photo : CMP

Gwenaël Girard clôt l’épreuve. Ce Breton passionné a parcouru les palaces : Shangri-La Paris, Four Seasons de Londres, Polynésie. Formé par des chefs comme Gaëtan Fiard, Michael Bartocetti et Yannick Alléno, il a posé ses valises en Provence au Couvent Des Minimes. Sa sculpture et son finger food sur le thème de la cabosse évoquent le voyage. Démarche de préservation de l’environnement autour de la floraison de la cabosse. Thierry Bridon trouve le visuel « attirant et gourmand avec le grué. »

Le drame de la sculpture (16h30)

16h30 : Les sculptures en chocolat sont enfin dressées sur les buffets sous le regard aguerri du jury “travail” : Guillaume Mabilleau (MOF Pâtissier), Jonathan Mougel (MOF Pâtissier-Confiseur), Florence Lesage (Championne du Monde des Arts Sucrés), Quentin Bailly (Champion du Monde 2013), Yvan Chevalier (MOF Chocolatier-Confiseur), Bastien Blanc-Tailleur et David Alves.

Quelques minutes après la notation, la sculpture incroyable de Yoan Palamara s’écroule et se brise en morceaux. Mais elle a été notée. Un rappel brutal de la fragilité de ces œuvres éphémères.

La pâtisserie de demain : un engagement RSE au cœur de la compétition

Cette sélection 2025 marque un tournant. Les critères RSE sont désormais au cœur de la compétition, reflétant une prise de conscience globale du secteur. Ces exigences poussent les candidats à penser leur savoir-faire de manière durable : gestion des déchets (limitation du film alimentaire, contenants réutilisables, poches à douille lavables), anti-gaspillage (valorisation des parures, réduction du gaspillage énergétique), produits et saisonnalité (respect du cycle de la nature, fruits de saison, sourcing producteur), des critères de notation à part entière.

Aurélie Clerc-Colomb explique : « On a demandé aux candidats de faire attention à leur façon de travailler, aux matières premières qu’ils utilisaient, le sourcing produit. S’ils pouvaient avoir une démarche plus vertueuse envers les poches à douille réutilisables au lieu de poches jetables, comment ils pouvaient diminuer leurs déchets. »

Johanna Lepape ajoute : « On a pu voir un candidat qui a exposé son bilan carbone pour son intervention, pour son déplacement. Les candidats, de plus en plus, font attention à ce qu’ils utilisent et à l’impact qu’ils ont. C’est aussi par rapport au transport, comment ils vont emballer les éléments qu’ils amènent, s’ils utilisent beaucoup de plastique ou s’ils font attention à utiliser des emballages qui se réutilisent. »

Concernant ces critères, Yoan Palamara s’est particulièrement démarqué :  « Il a mis une affichette pendant qu’il travaillait », souligne Johanna Lepape. « Il explique l’impact carbone qu’il va avoir, tout ce qu’il a utilisé dans son processus de création et pour venir là. Il a vraiment étudié l’impact écologique qu’il pouvait avoir. C’est hyper intéressant. »

« On a vu d’autres candidats aussi utiliser des films plastiques réutilisables ou compostables, beaucoup de contenants réutilisables. Les candidats, cette année, ont vraiment fait un effort supplémentaire », constate Aurélie Clerc-Colomb.

Léandre Vivier nuance : « Le critère RSE est quand même plutôt bien respecté. On a une belle adéquation des produits de saison. Après, des petits points sont toujours à améliorer. Par exemple, un candidat nous a présenté un produit avec un petit poisson à l’intérieur. Est-ce que vraiment c’est nécessaire ? Ce sont des petites interrogations d’actualité intéressantes à discuter. »

Il y a dans le regard de cette nouvelle génération de pâtissiers quelque chose de lumineux.Ils ont compris que chaque ingrédient porte en lui une histoire. Que chaque geste a des conséquences. Qu’on ne peut plus créer sans se poser la question : d’où vient ce que je travaille ? Quel impact laisse mon art ? La pâtisserie d’excellence ne peut plus se concevoir sans cette dimension éthique et environnementale qui la traverse désormais. Ce n’est pas une contrainte imposée. C’est une responsabilité qu’ils choisissent de porter.

Comme si la beauté d’un dessert ne pouvait plus être dissociée du respect du produit et  de ceux qui le cultivent mais aussi du respect de cette terre qui nous nourrit. Ils créent avec conscience. Et c’est peut-être ça, finalement, la vraie révolution.

18h30 : L’instant de vérité

Après une journée marathon rythmée par Vincent Ferniot qui a relié public, équipes et jurys avec son énergie communicative, vient le moment tant attendu. La lumière décline doucement sur la Maison de la Mutualité. Les treize candidats sont invités à monter sur scène. Treize silhouettes alignées, les traits marqués par l’effort et l’attente. Derrière chaque visage, 12H d’épreuves intenses. Devant eux, la salle retient son souffle.

C’est la Sélection France de la Coupe du Monde de la Pâtisserie, l’étape décisive pour former l’équipe qui représentera la France lors de la sélection Europe en janvier 2026. Elle se déroule sous la présidence d’honneur de Maxime Frédéric, chef pâtissier du Cheval Blanc Paris et fondateur de Pleincoeur.

Les discours des partenaires s’enchaînent, emplis de gratitude et d’admiration. Puis vient l’hommage à Gabriel Paillasson, fondateur visionnaire du concours, celui qui a cru en la force du collectif et en l’excellence française. Quelques secondes de recueillement. La mémoire des pionniers plane sur cette nouvelle génération.

L’huissier s’avance, les enveloppes scellées entre les mains. Le protocole est solennel. La tension monte d’un cran. Dans la salle, personne ne bouge. On entendrait presque battre les cœurs. Pierre Hermé prend alors la parole. Sa voix porte loin, grave et bienveillante : « Vous êtes le présent et l’avenir de la pâtisserie française. On compte sur vous. » Quelques mots, mais ils résonnent comme un serment. Une transmission. Un flambeau qui passe de main en main, de génération en génération.

Les mots de Maxime Frédéric : l’émotion à fleur de peau

Avant d’ouvrir les enveloppes, Maxime Frédéric prend la parole. Visiblement ému, il cherche ses mots, puis les trouve, justes et profonds :« Je mesure la chance d’être à la place que je suis avec de très grands professionnels. Je voudrais remercier les candidats car vous avez montré des valeurs incroyables : le dépassement de soi. Vous avez choisi de vous mettre en difficulté et à nu devant nous. Vous avez été exemplaires dans le travail, dans l’abnégation. Pour cela, je vous dis merci. Vous avez fait une preuve d’amour incroyable. »

Il poursuit son discours, parlant du critère RSE avec conviction : « Il faut que les valeurs éthiques et environnementales soient réunies pour être les plus exemplaires. C’est la responsabilité aujourd’hui des chefs de faire de très bons gâteaux avec la dimension humaine. Il faut pousser l’excellence du savoir-faire français et constituer une équipe à partir de l’individualité. »

Puis, il partage une réflexion profonde sur l’échec et la persévérance : « C’était une journée remplie d’émotions. J’ai eu des yeux d’enfants et je les ai encore, ils m’ont émerveillé. Leur passion, le dépassement de soi, tout l’amour aussi qu’ils ont pu nous transmettre à travers leurs créations et les dégustations. J’ai fait pas mal de concours quand j’étais jeune. Je les ai tous perdus. Et ça m’a aussi porté chance. Ça m’a donné l’occasion de revenir meilleur. »

Il évoque alors une figure tutélaire : « Monsieur Fresson, MOF, qui est parti malheureusement maintenant, m’avait dit qu’il les avait tous perdus lui aussi. Il avait perdu beaucoup de concours. Et ça ne l’a pas empêché d’être Meilleur Ouvrier de France. Parce qu’à chaque fois, il s’est remis en question pour revenir meilleur. C’est une preuve d’humilité. Et ce sont des valeurs importantes dans notre métier. »

Yann Brys, MOF et membre du comité qui sera président de la Team France, ajoute la touche finale : « On attend une équipe soudée et qui travaille dans la même direction, on attend de la cohésion. »

Le verdict : treize rêves se transforment en trois destins

L’huissier remet les enveloppes. Le silence est total.La tension est si dense qu’elle semble avoir son propre poids. Ils étaient treize à concourir ce matin. Il n’en restera que trois. Treize artistes qui ont tout donné. Trois élus qui porteront l’espoir de tout un pays. Le chef Yann Brys ouvre la première enveloppe, celle du lauréat et du suppléant “chocolat”. Puis la deuxième, pour la catégorie du “sucre”. La troisième, pour la catégorie “glace”, le résultat sera annoncé par  Maxime Frédéric. Chaque nom prononcé déclenche une vague d’émotions, soulagement, fierté, joie pour les uns ; déception contenue, dignité pour les autres.

Les lauréats sont :

  • Yoan Palamara (candidat chocolat), le magicien du jazz, celui qui a su allier virtuosité et show époustouflant
  • Abel Nesson (candidat sucre),  le prodige au palmarès déjà impressionnant, à la patineuse artistique rock’n’roll
  • Axel Lebellanger (candidat glace), le sculpteur de l’éphémère

Trois noms. Un seul rêve : ramener la coupe à la maison.

Les suppléants, seconds de leur catégorie, font également partie de l’aventure :

  • Shinichirou Gemba pour la partie « sucre », le programmeur reconverti dont la finesse a ébloui
  • Romain Le Clinff pour le « chocolat”,  le Breton au sourcing exemplaire
  • Mickael Guyader pour la partie « glace »,le vice-champion qui reviendra plus fort

Ensemble, ils formeront l’équipe de France aux côtés de Yann Brys (président de la Team France) et Franck Michel (coach), en vue de la sélection Europe des 18-19 janvier 2026 puis de la Grande Finale au Sirha Lyon en janvier 2027.

Les lauréats réagissent : l’émotion brute

Yoan Palamara, encore sous le choc de l’annonce, peine à retenir ses larmes : « Ça a été très dur tout le long de la journée, mais j’ai pris vraiment beaucoup de plaisir. Vraiment, j’ai pris énormément de plaisir à faire ce que j’aime. Et cette victoire, je la dois à toutes les personnes qui m’ont aidé, toutes les personnes qui m’ont soutenu au quotidien, tous les proches, tout le monde en fait. Vraiment tout le monde, voilà, c’est tout ce que j’ai à dire. »

Abel Nesson, « la force tranquille », reste fidèle à son tempérament posé : « Cette sélection c’est un travail de six mois qui est long avec toutes les équipes de la Maison Lenôtre qui m’ont accompagné et qui ont fait un travail formidable, sans eux il n’y aurait rien. C’est surtout à ça que je pense aujourd’hui. On va suivre ce que les chefs nous disent, ce que les coachs nous disent et on va l’appliquer. »

Quand l’abnégation devient excellence

Sur scène, certains sourient, le soulagement visible. D’autres retiennent leurs larmes, la gorge nouée. Tous se serrent la main, s’embrassent, se congratulent. Car au-delà de la compétition, il y a cette confrérie silencieuse qui unit ceux qui osent se mettre à l’épreuve.

Ce qui s’est joué aujourd’hui dépasse largement les trois places en jeu. C’est une leçon d’abnégation. Douze heures durant, ces treize artisans ont repoussé leurs limites, refusé l’approximation, combattu la fatigue et le doute. Ils ont sculpté le sucre qui ne pardonne rien, dompté la glace qui fond inexorablement, façonné le chocolat qui exige la perfection. 

Cette résilience, on l’a vue dans les yeux de Mickael Guyader, revenu après une finale mondiale perdue. Dans la sérénité de Shinichirou Gemba, qui a tout quitté pour recommencer à zéro. Dans l’audace de Yoan Palamara, qui a pris tous les risques avec sa sculpture de Ray Charles. Dans la détermination de Damien Gendron qui, malgré la casse de ses volutes à cause de la chaleur, a su s’adapter : « Le principal c’est que le travail a été fait, la pièce est sortie, le buffet est dressé, j’étais très satisfait de cette expérience en tout cas et j’ai appris aussi de mes erreurs sur la casse. »

La réalisation du concours a présenté également plusieurs difficultés majeures pour Christophe Dessevres : “Le temps limité et surtout l’humidité ambiante, peu compatible avec le travail du sucre, ont fortement compliqué la mise en œuvre des pièces. À cela se sont ajoutées les interactions nombreuses et constantes de l’environnement du concours, rendant la concentration plus difficile. Enfin, la pression liée à l’enjeu et à la valeur du concours a accentué le challenge, demandant une grande maîtrise, ce qui était difficilement le cas pour la prestation.”

La résilience, ce n’est pas seulement se relever après un échec. C’est choisir délibérément le chemin le plus difficile parce qu’on sait que c’est là que se forge l’excellence. Damien le résume avec justesse : « La Coupe du Monde c’est un beau concours. J’en tire évidemment des leçons, j’en tire que du positif parce que ça m’a fait grandir aussi, ça m’a permis de rencontrer des gens extraordinaires, des personnes qui m’ont aidé, j’ai créé des liens,c’est que du positif. »

Et justement, l’excellence était partout aujourd’hui. Pas seulement dans les trois noms prononcés, mais dans chaque tarte aux poires pensée au gramme près, dans chaque sculpture défiant les lois de l’équilibre, dans chaque finger food conçu pour marquer les papilles en trois bouchées. L’excellence, c’est ce goût de l’effort visible sur chaque visage fatigué, cette exigence qui transforme un dessert en œuvre d’art, cette quête obsessionnelle du geste parfait répété mille fois à l’entraînement.

Ce qui a motivé ces treize candidats, c’est ce que Damien exprime si bien : « C’est d’entendre le public, c’est d’entendre la musique derrière, même si on reste focus sur la pièce. On est à fond dans le concours, la pièce, mais d’entendre un peu l’environnement qui nous booste, qui nous maintient, c’est super. »

Crédit photo : CMP

Mickael Guyader, ce vice-champion du monde venu chercher sa revanche, résume l’esprit de cette journée avec une philosophie désarmante : « C’est le jeu. »

Crédit photo : CMP

Trois mots qui contiennent toute la sagesse des grands compétiteurs. L’acceptation du verdict, l’humilité face au jury, le respect du processus. Dans cette phrase, il y a la grandeur de ceux qui comprennent que la victoire n’appartient jamais totalement à celui qui la remporte,elle appartient aussi à tous ceux qui ont osé la chercher. Ceux qui savent que le chemin compte autant que la destination. Que l’abnégation quotidienne forge plus le caractère qu’un trophée. Treize candidats repartent ce soir avec quelque chose de plus précieux qu’une médaille : la certitude d’avoir tout donné, le sentiment d’avoir honoré leur métier, la fierté d’avoir incarné ces valeurs d’excellence et de dépassement de soi qui font la noblesse de l’artisanat français.

Et pour trois d’entre eux, l’aventure ne fait que commencer. Direction janvier 2026, la sélection Europe. Puis, si le destin le veut, la Grande Finale au Sirha Lyon 2027. Le rêve continue. Le goût de l’effort, lui, ne s’arrête jamais.

Recommandé pour vous