La Liste Pâtisserie : peut-on vraiment algorithmiser le savoir-faire pâtissier et la critique pâtissière ? 

Derrière La Liste se cache un projet ambitieux né en 2015 : créer le « guide des guides »,qui agrège les avis de centaines de sources pour classer les meilleurs restaurants et hôtels du monde. Fondé par Philippe Faure (ambassadeur, fondateur et Président de La Liste) et Jörg Zipprick (cofondateur de La Liste et éditeur en chef de La Liste, journaliste d’investigation, auteur, journaliste gastronomique ), ce classement mondial est dirigé depuis 2020 par Hélène Pietrini (directrice générale de La Liste et ancienne directrice du World’s 50 Best Restaurants.) C’est sous son impulsion que La Liste a décidé en 2022 d’étendre ce concept à l’univers de la pâtisserie. Une décision qui interroge : peut-on vraiment algorithmiser la pâtisserie ? Et surtout, cette méthode est-elle vraiment fiable ?

Algorithmiser le savoir-faire pâtissier

« Il y a toujours de la place pour le dessert ! », soutient Hélène Pietrini pour justifier l’arrivée de la pâtisserie dans l’écosystème de La Liste. Derrière sa réponse pleine d’entrain se cache une réalité économique : l’engouement mondial pour la pâtisserie : « Les pâtissiers ont su développer des concepts, innover, se mettre en scène aussi sur les réseaux et, aujourd’hui, on fait la queue pour un croissant ou un paris-brest. La pâtisserie est aussi la porte ouverte à la gastronomie », explique la directrice générale, forte de son expérience dans le classement des meilleurs restaurants mondiaux.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 600 adresses la première année, 3000 la suivante. Un développement soutenu par des partenaires comme Cacao Barry, qui accompagnent cette expansion dans le milieu de la pâtisserie. Mais attention, précision importante : contrairement aux restaurants qui bénéficient du fameux Top 1000, les pâtisseries ne sont pas classées : « Nous ne classons pas les pâtisseries, nous les sélectionnons », soutient Hélène. À la place, La Liste décerne des prix spéciaux thématiques, onze catégories qui couvrent « toutes les facettes de la pâtisserie : nouveaux talents, ouvertures, artisanat & tradition, responsabilité éthique et durable, innovation… »

Contrairement aux restaurants et hôtels où l’algorithme calcule un score pour établir le Top 1000, ces prix spéciaux pour la pâtisserie sont explicitement un « choix éditorial interne », fruit de la veille annuelle du secteur. En 2024, La Liste récompensait entre autres :  Bastien Blanc-Tailleur à Paris (Prix du Chef Pâtissier le Plus Créatif du Monde, présenté par Cacao Barry), François Perret pour le Ritz Paris Le Comptoir (Prix de la Meilleure Pâtisserie du Monde) ou encore Christophe Devoille à Dubaï (Prix du Meilleur Afternoon Tea du Monde). 

Lundi dernier, lors de la Garden Party, qui se déroulait au sein du prestigieux Jardin du Gouverneur des Invalides, La Liste a dévoilé son palmarès 2025. Mais juste avant la remise des Prix Spéciaux Pâtisserie 2025, plusieurs talks animés par Hélène Pietrini ont permis d’explorer les grandes tendances qui façonnent aujourd’hui la scène pâtissière internationale.

Parmi les temps forts, un talk avec Jessica Préalpato, cheffe pâtissière du San Régis à Paris et François-Xavier Delmas, fondateur de Palais des Thés, expert du thé et défenseur du sourcing éthique. Ensemble, ils ont partagé leur vision commune d’un tea time respectueux des producteurs, axé sur la naturalité. François-Xavier  a regretté le manque de tea times qui allient thés et pâtisseries et s’est dit inspiré par l’approche de Jessica Préalpato, qui propose un tea time sans partie salée, centré sur les infusions, en cohérence avec son style épuré, authentique et naturel.

Autre moment marquant : un talk émouvant entre deux légendes de la pâtisserie, Pierre Hermé et Iginio Massari, maître pâtissier italien, connu pour ses panettones, qui évoquait son engagement en faveur de la transmission du savoir-faire en Italie, notamment à travers la « Loi Massari », qui a créé le titre officiel de Maître de l’Art de la Pâtisserie.

Tous deux ont insisté sur l’importance de la transmission dans ce métier. Comme l’a exprimé Pierre Hermé :

« La transmission, c’est une chaîne vertueuse essentielle dans notre métier artisanal. C’est un devoir, ce qui permet de faire grandir une entreprise, de transmettre un savoir, et de rassembler les talents. »

Cette discussion a également été l’occasion d’évoquer le projet « Pâtisserie & Patrimoine » que Pierre Hermé porte avec Laurent Le Daniel, Président de la Confédération des artisans Pâtissiers-Confiseurs. Leur objectif : faire inscrire la pâtisserie française au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, comme ce fut le cas pour le repas gastronomique des Français (2010) et de la baguette (2022).
Un projet de longue haleine, soutenu par un comité scientifique, des anthropologues, des universitaires et des professionnels du métier.

Lors du talk, Pierre Hermé a bien résumé cette ambition :

« La pâtisserie française est un patrimoine culturel vivant. Elle mérite d’être protégée. Elle est connue et reconnue dans le monde entier, présente dans les hôtels, les restaurants, les boutiques. Ce projet permet de fédérer la profession, de faire rayonner notre culture, de transmettre, de susciter des vocations. Notre métier, c’est de la culture, de l’identité, et de l’émotion. »

Ces talks étaient suivis de l’attribution des Prix Spéciaux Pâtisserie, récompensant 36 chefs dans 18 pays à travers 11 catégories. Avec 60% de lauréates, cette édition mettait à l’honneur des pâtissiers du monde entier et leurs engagements en faveur d’une pâtisserie plus créative, durable et inclusive comme : Maxime Frédéric (Cheval Blanc Paris) sacré Pâtissier le plus créatif du monde. Le grand maître  Iginio Massari recevait quant à lui le Prix d’Honneur et Claridge’s ArtSpace Café à Londres, porté par Thibaut Hauchard a décroché le titre de Meilleure Pâtisserie du Monde. Le Prix du Meilleur Afternoon Tea est partagé entre Jessica Préalpato (San Régis, Paris) et Jonathan Soukdeo (Butterfly Room, Hong Kong).

Maxime Frédéric sacré Pâtissier le plus créatif du monde.
Prix d’Honneur pour Iginio Massari
Meilleur Tea Time : Jessica Préalpato et Théophile Bonetto – San Régis
( Paris)
Jonathan Soukdeo – Butterfly Room (Hong Kong).

Parmi les Talents de l’annéeLily Jones (Londres), Mélanie & Arnaud Mathez (Le Jardin Sucré, Paris), Hannah Ziskin (Quarter Sheets, Los Angeles), Tom Coll (Dubaï) et Makoto Arami (Singapour). Le prix Éthique est revenu à Claire Heitzler (Levallois-Perret) et Mathias Dahlgren (Stockholm), celui de l’Artisanat à Marc Ducobu (Waterloo). Quant au Prix de la Pâtisserie de l’Innovation, elle était décernée à Julien Abourmad ( The French Bastards – Paris) ainsi qu’à Yazid Ichemrahen (Paris, Courchevel et Quatar)

Talents de l’année : Mélanie & Arnaud Mathez – Jardin Sucré ( Paris)
Lily Jones (Londres)
Prix de l’Artisanat à Marc Ducobu (Waterloo)
Le prix Éthique : Claire Heitzler (Levallois-Perret)

Concernant les Meilleures Ouvertures : Thibaut Honajzer & Alix Marin (Lausanne), Aya Belkahia (Casablanca), Pia Salazar (Quito), Nicolas Houchet (Londres) ainsi que Nina Métayer (La Rochelle), Sébastien Vauxion (pâtisserie café Vauxion – Annecy), Germain Decreton, Iris Rouche & Rayane Rebouh ( Neja-Lille),Julien Dugourd, Florian Barbarot & Pierre-Henry Lecompte (Quelque Part la Matière). 

Meilleure ouverture : Germain Decreton, Iris Rouche & Rayane Rebouh ( Neja-Lille)
Meilleure ouverture : Aya Belkahia (Casablanca)
Meilleures ouvertures : Nina Métayer ( La Rochelle)
Julien Dugourd et Théo David ( Mandarin Oriental)

Enfin, le prix des Pâtisseries à explorer a distingué entre autres : Lucia Hrivňáková (Bratislava), Anna Plagens (Berlin),Park Joon Woo (Séoul), Alexia Santini (Corse),Diego Cervantes & Blanca Bertely (Bordeaux), Laura Schneider (Strasbourg), François & Emmanuelle Josse (Chambonas), et Clémence & Giovanni Malécot (Saint-Malo).

Les prix des Pâtisseries à explorer : Emmanuelle et François Josse
Anna Plagens (Berlin),
Clémence & Giovanni Malécot (Saint-Malo).
Diego Cervantes & Blanca Bertely (Bordeaux)

Une méthode qui fait débat ?

Côté financement, La Liste est une entreprise privée dont les actionnaires sont les dirigeants actuels ainsi que Walter Butler. Son modèle économique repose uniquement, selon Hélène Piétrini, sur des partenariats privés. Ces sponsors financent notamment les événements annuels ou certains prix spécifiques, mais n’interviennent pas dans le processus de sélection.

À savoir que les pâtisseries classées ne paient rien pour figurer dans La Liste, un point important qui permet à la plateforme de revendiquer son indépendance vis-à-vis des restaurants ou pâtisseries eux-mêmes.
Quant à la fiabilité, la question se pose immédiatement. Comment La Liste procède-t-elle pour évaluer les pâtisseries dans le monde ? La réponse d’Hélène Pietrini est claire : « Nous observons les guides, la presse, les sites d’avis clients, les réseaux sociaux pour sélectionner les meilleures, les intégrer dans notre base de données. » Concrètement, cela représente « près de 300 sources pour la pâtisserie » contre « plus de 1100 pour les restaurants et près de 400 pour les hôtels ».

Pour les restaurants et hôtels évalués par La Liste, la note finale est calculée à partir de deux types de sources : 90 % viennent des avis d’experts (guides gastronomiques, critiques professionnelles), 10 % viennent des avis de clients (en ligne, comme sur Google ou TripAdvisor).
L’algorithme tient aussi compte de l’âge des sources : les informations récentes comptent plus que les anciennes. Et dans les pays où il y a peu de guides ou de critiques professionnelles, le système s’adapte pour rester juste.

Les Trois Chocolats – Emiko et Sho Kimura

Derrière cette mécanique complexe, un travail humain : « Ce ne sont pas des ordinateurs qui se cachent derrière notre base et notre algorithme mais des experts et des passionnés aussi », insiste Hélène Pietrini, évoquant notamment le rôle de Jörg Zipprick, co-fondateur et rédacteur en chef, dans ce travail de veille permanente. Une expertise qui puise dans l’héritage des fondateurs Philippe Faure et Jörg Zipprick, concepteurs de ce système révolutionnaire d’agrégation critique.

Mais alors, quelle différence avec le moteur de recherche Google ? « Plus il y a de prix, de sources, de guides, plus cela nourrit notre base de données.» répond Hélène : « Encore mieux que Google, plus sélectif, global, plus expert »

Cette volonté affichée de transparence a toutefois ses limites. Si Jörg Zipprick explique aux journalistes les grands principes de l’algorithme de La Liste, la formule exacte, elle, reste confidentielle, protégée au titre de la propriété intellectuelle. Une position qui interroge l’auditabilité du système : impossible pour une tierce partie de vérifier précisément comment les classements sont établis.

Certes, La Liste offre plus d’explications que d’autres classements internationaux, qui ne publient ni leurs critères de pondération ni le détail des votes. Mais, en l’absence de données vérifiables, elle reste elle aussi partiellement opaque, malgré son discours d’ouverture.

L’application mobile : interface pratique d’une base de données complexes

Au-delà de la théorie, c’est bien l’application mobile qui matérialise cette approche pour les utilisateurs. Lancée en septembre 2022, elle recense désormais plus de 3 000 pâtisseries, boulangerie-pâtisserie, salons de thé, restaurants de desserts. L’interface permet de géolocaliser les adresses recommandées en entrant un code postal, transformant cette « base de données enrichie » en outil pratique de découverte.

Chaque fiche comprend des liens directs vers le site du chef ou de la boutique, nous permettant parfois de réserver ou commander en ligne: « Nous avons 35 000 restaurants, 3000 pâtisseries et 7000 hôtels », détaille Hélène Pietrini. L’expérience utilisateur se veut simple : « Sur chaque profil d’établissement, vous avez la liste des guides/sources qui justifient la présence de l’établissement. C’est comme une revue de presse, tout est clickable. Vous pouvez lire toutes les opinions des experts et des clients et vous faire votre propre opinion. »

L’équation de la subjectivité

Le cœur du débat réside dans cette question : peut-on vraiment parler d’objectivité algorithmique quand toutes les sources (critiques, blogs, avis Instagram) sont par nature subjectives ? Hélène Pietrini assume ce paradoxe : « L’expérience culinaire est forcément subjective car faisant appel à nos sens. C’est du bon sens ! Cependant, en agrégeant des milliers d’avis, notes et critiques, soient autant d’avis subjectifs, notre synthèse objectivise l’expérience. »

Cette méthode s’inspire des méta-classements utilisés dans le domaine du divertissement, comme Rotten Tomatoes pour les films ou Metacritic pour les jeux vidéo, les séries et les albums. Ces plateformes agrègent les critiques venues de multiples sources (presse spécialisée, médias, blogs…) pour produire une note globale plus représentative.

Appliquée pour la première fois à la gastronomie, cette approche permet, selon Hélène Pietrini, de dépasser les biais individuels des guides ou les préférences culturelles dominantes.

C’est cette logique de « guide des guides » ou de « classement des classements » qui distingue La Liste des autres références gastronomiques.

Un contraste saisissant avec l’intelligence artificielle généraliste : « C’est déjà le cas, avez-vous posé la question à ChatGPT, quelle est la meilleure pâtisserie ? Mais que prend en compte l’IA majoritairement ? TripAdvisor, donc les avis clients. Ce n’est pas notre cas », souligne Hélène Pietrini, revendiquant une méthode plus experte.

La bataille des territoires

Un point particulièrement intéressant concerne la représentation géographique. Comment garantir une représentation plus équilibrée entre les grandes villes et le reste du territoire ? : « Il y a une réalité, celle de la forte concentration de pâtisseries de bonne qualité et d’afternoon tea dans les hôtels dans les capitales », reconnaît Hélène Pietrini. La cofondatrice revendique une mission bien plus large que celle d’observatrice : assumer une responsabilité active dans la construction d’un paysage pâtissier mondial plus inclusif. Elle insiste sur l’engagement que s’est fixé La Liste dans la recherche et l’exploration de territoires parfois éloignés des circuits pâtisserie traditionnels. Cette démarche volontaire cherche à mettre en lumière des talents issus de pays où la culture pâtissière est encore peu développée, ou de régions moins urbanisées, comme certaines banlieues parisiennes souvent oubliées des médias.

En allant chercher ces artisans souvent invisibles, elle veut élargir le paysage pâtissier, qui reste trop centré sur les grandes capitales ou les pays les plus connus. Cette démarche reflète sa volonté de redéfinir les pôles d’influence de la pâtisserie en mettant en avant une diversité géographique, culturelle et créative encore trop peu reconnue.

Pâtisserie Lals au Pakistan primée en 2024 – Crédit photo : La Liste

Les exemples ne manquent pas : la pâtisserie Lals au Pakistan, « une institution nationale créée par la cheffe Lal Majid, peu connue au niveau international », ou encore Chez Dodo à Budapest de la cheffe Dora Szalai,  surnommée la reine des macarons. Cette année, un  zoom France  a même été organisé  pour mettre en avant des pâtisseries de région . L’exploration va jusqu’aux confins : « Certains pays demandent des recherches approfondies. Nous en avons 6 en Ouzbékistan ! », soutient Hélène.

Le poids des réseaux sociaux

Question cruciale à l’heure d’Instagram : quelle place accordent-ils aux réseaux sociaux ?  Aujourd’hui, il est difficile d’ignorer l’impact des réseaux sociaux dans la pâtisserie. Des visuels parfaits, des vidéos virales, des vitrines bien soignées mais chez La Liste, ils prennent cette réalité avec recul : « Certains youtubeurs ou comptes Instagram sont pris en compte, mais on les observe plus qu’on ne les intègre vraiment dans l’algorithme, parce qu’ils sont souvent sponsorisés », explique Hélène Pietrini.

Autrement dit : ils restent vigilants car entre critiques sincères et contenus payés, il faut savoir faire le tri. Et c’est là qu’intervient le travail de veille éditoriale de La Liste, qui agit comme un filtre pour éviter de tomber dans le piège de la mise en scène marketing.

Comme le rappelle Jörg Zipprick, rédacteur en chef dans le communiqué de La Liste :

« Ce palmarès n’est ni un concours de vitrines, ni une célébration de créations formatées pour les réseaux sociaux. »

Le message est clair : La Liste ne récompense pas les gâteaux les plus parfaits visuellement mais ceux qui ont du fond, de la personnalité, du goût. Car derrière certaines créations très visuelles, on trouve parfois des raccourcis industriels : arômes artificiels, colorants, texturants… La beauté ne suffit pas.

La Liste valorise des pâtissiers et pâtissières qui vont au-delà de l’apparence, qui questionnent leur métier, qui choisissent des produits de qualité, qui s’engagent. Ce n’est pas un palmarès fondé sur le buzz ou la notoriété, mais sur la sincérité et la cohérence.

Elle défend une autre vision de la pâtisserie, plus artisanale, plus engagée, plus humaine. Une approche qui résiste à la course à l’image et qui met en lumière celles et ceux qui travaillent avec sens, dans l’ombre parfois, mais avec une certaine exigence. Ce choix, assumé, donne une vraie légitimité au palmarès.

Qu’en est-il des professionnels qui ne sont pas actifs sur les réseaux sociaux ou ont peu d’abonnés par rapport aux stars d’Instagram? 

Les pâtissiers discrets sur les réseaux ou qui n’ont pas le temps d’alimenter leur feed ne sont pas pénalisés« On finit toujours par parler d’un bon endroit et écrire sur celui-ci ! Il vaut mieux aussi avoir peu de critiques mais élogieuses que beaucoup moins unanimes. » Autrement dit, dans ce système, la reconnaissance n’exige pas de visibilité à tout prix : la qualité finit toujours par émerger.

Laura Schneider, cheffe de la pâtisserie Jaune Citron à Strasbourg, en est l’exemple. Elle ne bénéficie pas forcément d’une très grande visibilité. Son compte Instagram compte environ 22 200 abonnés. Et pourtant, elle fait partie des lauréates 2025 du Prix des Pâtisseries à explorer.

Son exemple montre bien le fait que La Liste ne récompense pas uniquement les personnalités les plus médiatisées ou suivies sur les réseaux sociaux. Au contraire, elle cherche à mettre en lumière des pâtissier(ère)s authentiques, dont la reconnaissance repose surtout sur la qualité du travail que sur la notoriété.

Prix des pâtisseries à explorer : Laura Schneider – Jaune Citron ( Strasbourg)

Laura était étonnée d’apprendre qu’elle était lauréate par un mail d’Hélène Pietrini le lui annonçant.

Quant à l’approche algorithmique utilisée par La Liste pour évaluer les pâtisseries, elle estime que : « vivre avec son époque signifie accepter que cette méthode corresponde à l’évolution du monde de la pâtisserie ces dernières années. Cela dit, comme je ne connais pas précisément les critères utilisés, il m’est difficile de porter un jugement critique sur ce système. »

Pour elle, ce prix représente avant tout une belle reconnaissance pour son équipe et pour elle-même. Sans attentes particulières au départ, elle est  aujourd’hui « très reconnaissante » car cette distinction lui a permis de rencontrer et d’échanger avec des pâtissiers renommés dans le monde lors de la cérémonie au Jardin du Gouverneur des Invalides.

Elle espère surtout que ce prix donnera au public l’envie de découvrir la qualité de leur travail et la passion qu’ils insufflent dans chacune de leurs créations, tout en lui offrant l’opportunité d’« entretenir des liens professionnels avec des chefs et acteurs de la pâtisserie en France comme à l’international. »

Une parité revendiquée et des talents diversifiés

Détail important pour cette troisième édition des prix spéciaux : « un palmarès à 60% féminin avec des pâtissières et des partenaires co-propriétaires. De mon expérience, c’est la première fois que nous atteignons ce niveau de représentation. » Au total, 18 pays sont représentés : « Même si la France tient une belle part dans ces résultats, vous verrez que nous sommes allés chercher des talents dans de nombreux pays. »

Le palmarès 2024 illustre cette diversité : Bastien Blanc-Tailleur (Paris) a été nommé Chef Pâtissier le plus Créatif du Monde. Le Ritz Paris Le Comptoir de François Perret a reçu le Prix de la Meilleure Pâtisserie du Monde. Janice Wong a reçu le Prix pâtisserie de l’Innovation avec son bar à desserts à Sydney et Singapour.

Mais la reconnaissance va bien au-delà des stars parisiennes : parmi les Meilleures ouvertures de l’année figurent la boutique australienne Mietta by Rosemary (Melbourne) de Rosemary Andrews et la pâtisserie Lannan Bakery de la cheffe écossaise Darcie Maher (Édimbourg). Le prix des Meilleures pâtisseries à explorer a récompensé des talents comme Lal Majid (Lals Chocolates à Karachi), Christian Campos (Farine & Cacao à Montréal), ou encore Dóra Szalai (Chez Dodo à Budapest).

Prix des Meilleures Ouvertures : PleinCoeur de Maxime Frédéric
Pâtisserie-café Vauxion Sébastien Vauxion (Annecy)

Leur méthode permet aussi de valoriser les nouveaux talents : le prix des Meilleures Ouvertures récompense spécifiquement les établissements ouverts depuis moins d’un an, permettant à un établissement récent de se glisser rapidement dans les sélections « avec une couverture presse rapide et élogieuse » comme la Pâtisserie-café Vauxion du chef Sébastien Vauxion à Annecy, ouverte il y a un peu plus d’1 mois ou encore la boulangerie-pâtisserie PleinCoeur de Maxime Frédéric ouvert depuis quelques mois.

Qu’en est-il de l’impact réel des récompenses de La Liste sur les lauréats ? 

Stéphanie Touzet et Matthieu Buchalski de la pâtisserie L’Ogre de Carrouselberg à Lille, lauréats du Prix des meilleures pâtisseries à explorer 2024, reviennent sur les retombées de cette reconnaissance : « On a effectivement vu une augmentation du flux de clients après la remise du prix l’année dernière », expliquent-ils. « C’est une belle mise en lumière pour nous et ça a été largement relayé par la presse. »

Cette distinction a aussi eu un impact sur leur visibilité, localement et au-delà :
« Elle nous a apporté de nouveaux clients de la région, mais aussi des gens de passage, parfois venus de plus loin. Mais ce qui nous a le plus marqués, c’est l’effet sur notre clientèle fidèle : cette reconnaissance renforce vraiment la légitimité de notre travail à leurs yeux. »

Stéphanie Touzet et Matthieu Buchalski – L’Ogre de Carrouselberg ( Lille)

Quant à l’éventuelle hausse de clientèle étrangère, ils affirment qu’ils ne peuvent pas vraiment donner de chiffre précis car « la remise du prix a eu lieu juste avant les JO, qui ont complètement modifié la fréquentation habituelle.» Ils ajoutent par ailleurs que « Lille est en pleine transformation en ce moment en ce qui concerne le tourisme international. »

Giovanni et Clémence Malécot (boulangerie Malécot-Saint-Malo), lauréats du Prix des Pâtisseries à explorer 2025, ont appris, quant à eux, la nouvelle peu de temps avant la cérémonie : « On nous a contactés peu de temps avant l’événement », expliquent-ils.

Concernant la méthode de sélection, fondée en partie sur des données algorithmiques, ils reconnaissent ne pas vraiment en connaître les coulisses : « On n’a aucune idée de comment est faite la sélection. Je pense qu’ils ont leurs propres critères. »

S’ils n’avaient pas particulièrement d’attentes, cette reconnaissance leur a surtout permis de vivre un beau moment de rencontres et d’échanges : « On n’a pas d’attente, on savoure l’instant présent. On a pu échanger avec plein de professionnels lors de la Garden Party, et ça, c’est génial ! »

Ce qu’ils retiennent avant tout, c’est l’ambiance chaleureuse de l’événement : « On a rencontré des professionnels renommés très abordables, tous réunis autour de la même passion. C’est que du positif ! L’amour et la bienveillance attirent que du bon. Si seulement tout le monde fonctionnait comme ça. L’humilité, le partage, on adore ! »

Verdict : La Liste fiable ou pas ?

Alors, La Liste Pâtisserie est-elle fiable ? La réponse mérite d’être nuancée. D’un côté, cette méthode a le mérite de la transparence : pas de jury secret, pas d’inspecteurs anonymes mais une agrégation de sources identifiées. L’effort pour sortir des sentiers battus des grandes capitales et valoriser la parité est louable. L’application mobile offre aussi  un accès pratique à cette base de données, avec des fonctionnalités de géolocalisation et de liens directs vers les établissements notamment par la possibilité de réserver des pâtisseries.

De l’autre, la limite de l’exercice réside dans le fait que : « l’algorithme n’est que pour les classements (Top 1000 des restaurants et hôtels seulement) ». Pour la pâtisserie, il s’agit donc d’une sélection puis de prix thématiques qui restent « un choix éditorial interne ». Difficile donc de parler de pure objectivité algorithmique.

Création Matsureau de Morgane Raimbaud
Créations d’Angelo Musa, Elisabeth Hot et leur équipe

Quant à la question initiale : peut-on vraiment algorithmiser le savoir-faire pâtissier et la critique pâtissière ? Il est difficile d’imaginer un algorithme qui soit capable de reproduire cette intuition qui guide la main du pâtissier, cette capacité à sentir quand une pâte, une crème est prête, à adapter sa recette ou à doser un parfum au feeling. Tous ces gestes pâtissiers, ce savoir-faire artisanal, cette intelligence des sens que Pierre Hermé et Iginio Massari ont si bien évoqués : la transmission, l’émotion, l’identité culturelle  résistent naturellement à toute tentative de quantification.

Finalement, La Liste Pâtisserie ressemble davantage à une base de données enrichie, un guide de bonnes adresses à découvrir et à tester qu’à un guide critique. Un outil utile pour découvrir de nouvelles adresses mais qui ne remplacera jamais le palais du gourmand ni l’œil expert du critique. D’ailleurs, Hélène Pietrini observe une « tendance de fond » : « Les guides perdent de l’influence par rapport aux médias et articles de fond sur les établissements. Les voyageurs se renseignent, lisent, veulent comprendre. Ils sont aussi friands d’inspiration, sont multiples dans leurs recherches. Personne ne consulte plus un seul guide pour ne manger que de la haute gastronomie. »

Création caviar Kaviari et agrumes – Antony Terrone

« Vous pouvez lire toutes les opinions des experts et des clients et vous faire votre propre opinion », résume Hélène Pietrini. Car au bout du compte, c’est bien là que réside la vraie valeur ajoutée : permettre à chacun de se forger sa propre opinion, armé d’un maximum d’informations.

Prix Innovation en Pâtisserie : Julien Abourmad

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