Tendances pâtisserie 2025 : Vers un retour à l’essentiel

Si 2024 a été le théâtre de pochages chirurgicaux et d’un esthétisme toujours plus poussé pour séduire une clientèle en quête de belles photos à partager sur Instagram, elle a également été marquée par des créations audacieuses et hybrides, comme le cookie-croissant ou le croissant-gaufre, qui ont redéfini les formats et les textures, repoussant les limites de la créativité pâtissière et captivant une clientèle toujours plus avide de nouveautés. 

Un autre phénomène est également apparu avec l’émergence de la “Tech Inspired”. L’intelligence artificielle a ouvert de nouveaux horizons aux pâtissiers, leur offrant des outils pour imaginer, par exemple, des visuels toujours plus attrayants.

Derrière cette effervescence technologique et esthétique, une injonction  plus essentielle semble désormais s’imposer, transcendant les simples effets de mode : un retour à l’authenticité. En 2025, la pâtisserie amorce une transition profonde, portée par des valeurs fondamentales : la simplicité, l’authenticité, le retour du goût au centre de l’assiette, la qualité des produits et la durabilité, tout en s’éloignant des visuels ultra travaillés.

J’ai recueilli les témoignages des chefs pâtissiers Xavier Thill (chef pâtissier-gérant de la pâtisserie “Désiré” en Ardèche), Thomas Moulin (pâtissier consultant), Rémi Bouiller (chef pâtissier et gérant du salon de thé Kreme à Montrouge), et Desty Brami (chef pâtissier exécutif du Château Ferrières et des boutiques Madeleines by Ferrières), pour comprendre leur vision de la pâtisserie de demain. Tous semblent s’accorder sur un même constat : Il est temps de revenir aux sources

Retour aux fondamentaux : Simplicité et durabilité

Face à une demande croissante de visuels instagrammables, certains artisans prônent un retour à la simplicité, l’authenticité et à la rationalité, ancrée dans la réalité.

Pour Desty, cette démarche est essentielle : « La pâtisserie, c’est avant tout de la gourmandise et du plaisir. J’aimerais qu’on revienne à des pâtisseries simples, avec moins de décors inutiles. Trop souvent, on oublie l’essentiel en cherchant à impressionner pour Instagram. » Il souligne :

« C’est très beau de faire des beaux pochages, des visuels très soignés mais c’est trop, ça coûte trop cher en main-d’œuvre de faire des beaux décors et, en termes de coût, et de personnel que ça nécessite, et de temps. Ça devient irréalisable pour avoir des pâtisseries à un coût raisonnable en boutique.» 

Il insiste également sur le fossé entre les attentes des consommateurs influencés par les réseaux sociaux et les réalités des pâtissiers de boutique : « Quand tu vas dans une boutique à 18h pour acheter un éclair, tu ne peux pas t’attendre à la même fraîcheur que lorsqu’il est fabriqué à 6h du matin et encore moins de le comparer à un éclair de palace qui est quasiment garni à la minute et qui coûte 4 fois plus cher. Les charges de travail que ces attentes imposent sont ingérables. »

Thomas, pour sa part, insiste sur le sourcing responsable des produits et sur la valorisation des histoires qu’ils racontent : « Une pâtisserie toujours plus soucieuse du sourcing des produits utilisés, de la saisonnalité et des histoires et surprises qu’elles racontent », affirme-t-il. 

Quant à Xavier, il souligne l’importance d’intégrer des outils technologiques pour améliorer la production, tout en valorisant des produits locaux et des méthodes anciennes comme le pain « Renaissance » mis au point par  l’explorateur du goût, Frédéric Bau, dans sa boulangerie-pâtisserie Désiré, et fait à partir de baguettes invendues torréfiées et broyées pour en faire une farine de pain grillé qu’ils réintègrent au levain. Ils n’utilisent pas d’énergie du four, il s’agit d’énergie descendante. Ce procédé, en plus d’être éco responsable, apporte une texture singulière : « On a la chance d’avoir des outils technologiques qui nous permettent d’aller plus loin dans le raisonnement que 20 ans auparavant », explique-t-il. Cette volonté d’exploiter au maximum les ressources reflète une tendance générale vers une pâtisserie qui ne cesse de se réinventer pour être encore plus respectueuse de l’environnement.

Rémi, quant à lui, anticipe une pâtisserie plus rationnelle, dictée par la conjoncture économique et le manque de personnel :  « On va revenir à l’essentiel, moins s’axer sur l’aspect visuel sophistiqué, et plus se concentrer sur le goût en réduisant les gammes mais sans sacrifier la qualité », nous confie-t-il. Il a par ailleurs salué la démarche de la boulangerie L’Équilibre (Paris 15), qui s’affranchit des contraintes visuelles instagrammables dictées par la demande des clients, pour laisser le goût primer.

Retour aux saveurs d’enfances réconfortantes 

Les chefs s’accordent sur l’importance de proposer des saveurs régressives, tout en les revisitant pour répondre aux attentes modernes. « Les clients recherchent des goûts francs, lisibles qui rappellent leur enfance, mais modernisés pour éviter les excès de gras ou de sucre, d’où la gourmandise raisonnée que j’applique dans ma pâtisserie », explique Xavier.

Thomas, pour sa part, s’aventure sur des terrains plus audacieux, intégrant des légumes anciens dans ses créations : « Le panais ou le topinambour, associés à des classiques comme la vanille ou le café, offrent des saveurs surprenantes qui intriguent les palais. » Ces associations de saveurs inattendues, déjà présentes les années précédentes mais discrètement, s’accentueront de plus en plus en 2025 pour répondre aux enjeux d’une pâtisserie plus saine. 

Desty, lui, souligne que les découvertes et utilisations des épices rares seront de plus en plus prisées par les pâtissiers comme : « Le poivre rare  de passion qui s’associe bien avec les agrumes. Pour les pâtissiers de boutique, à la recherche de nouveautés, ces poivres s’intègrent parfaitement au quotidien et restent compatibles avec de gros volumes de production”.

Pour Rémi, le pandan ou “Vanille d’Asie” deviendra une saveur incontournable en 2025 avec par exemple des associations pandan-coco: “On a déjà eu une amorce avec le roulé pandan-coco de Fu Castella, de la galette des rois frangipane/pandan d’Anthony Nguyen ou encore du pandan-coco très fluffy de Tartelettes.” Il ajoute que la réinvention des bases, modernisées avec subtilité, sera la clé pour maintenir l’intérêt des consommateurs.

Repenser l’esthétique des pâtisseries vers plus de simplicité

L’influence d’Instagram et la recherche constante du visuel parfait ont profondément marqué le monde de la pâtisserie ces dernières années. Cependant, en 2025, les chefs prônent un retour à la simplicité, en mettant le goût au cœur des priorités.

Xavier, pour sa part, est favorable à un visuel soigné, mais jamais au détriment de l’authenticité du goût :  « Une bonne tarte aux pommes rustique, c’est ce que je préfère », affirme-t-il, illustrant cette quête d’authenticité où le goût reprend sa juste place, loin des artifices dictés par les tendances visuelles

De son côté, Thomas souligne que, dans une ère où Instagram joue un rôle clé dans la valorisation des créations, de nombreux petits artisans talentueux peinent à rivaliser faute de moyens pour investir dans une agence de communication : « Ces artisans, qui créent des emplois et maintiennent un niveau de qualité admirable malgré des conditions économiques difficiles, méritent davantage de reconnaissance » regrette-t-il.

Rémi, lui, reconnaît que l’esthétique extrême persistera dans certains domaines mais il souligne que cette quête de perfectionnement entraînera des coûts importants : « On va continuer à aller dans cette quête esthétique extrême, ce qui nécessite des moules, mais c’est une facilité de production », explique-t-il.

Les techniques désuètes  et savoir-faire traditionnels à redécouvrir

Xavier exprime son désir de remettre au goût du jour des spécialités locales, comme le « Lou Pisadou », une spécialité régionale au rhum d’Ardèche, tout en les réinterprétant. Selon lui, il est essentiel que les pâtissiers fassent preuve d’audace et de singularité, proposant des créations qu’on ne voit pas fréquemment. Il déclare : « J’aimerais voir plus de spécialités locales remises au goût du jour, plutôt que des trompe-l’œil » qui n’égaleront jamais ceux de Cédric Grolet, qui, selon lui, maîtrise parfaitement ce style.

Thomas, quant à lui, souligne l’importance de valoriser l’identité des régions à travers des produits comme les bonbons liqueurs. Il met en avant l’art de la confiserie, expliquant que ces bonbons permettent de mettre en avant les différentes régions avec leurs alcools et leurs spécificités. Il évoque également un changement de tendance dans la pâtisserie, orientée vers des pâtisseries plus raisonnées : « Les tendances seront toujours tournées vers une pâtisserie plus raisonnée, moins sucrée, moins grasse, avec des alternatives véganes et végétales, tout en gardant le côté gourmand et régressif ».

Desty, fidèle à sa vision de simplicité, prend du recul sur les tendances superflues : « On n’a pas besoin de faire le concours de celui qui met le plus de boulot sur un gâteau, on a besoin d’un truc bon », affirme-t-il. Il précise que bien qu’il soit important de s’inspirer des nouvelles techniques et de les utiliser sur quelques créations pour ajouter de la nouveauté à bon escient. Certaines tendances, comme les pains au chocolat bicolores et striés, ne font qu’ajouter une charge de travail  qui ne contribue pas à la qualité gustative des produits. “Ça augmente juste  la charge de travail et par définition le prix” souligne-t-il.

Enfin, Rémi Bouiller évoque un retour aux bases de la pâtisserie, tout en apportant des améliorations modernes. Il rappelle que l’évolution de la pâtisserie réside dans la réinterprétation des fondamentaux : « Tout ce qu’on fait aujourd’hui, c’est qu’on reprend les bases de la pâtisserie et on améliore. On n’a rien inventé, on remet au goût du jour tout en la rendant accessible ». Cette démarche trouve également un écho dans des initiatives comme l’ouverture de la boulangerie-pâtisserie PleinCœur par Maxime Frédéric, chef pâtissier de l’hôtel de luxe Le Cheval Blanc à Paris. Son objectif : rendre ses créations haut de gamme accessibles à un public plus large tout en conservant l’authenticité et l’esprit propre à une boulangerie traditionnelle.

2025, une pâtisserie tournée vers ses racines

2025 signe le renouveau d’une pâtisserie à la fois audacieuse et sincère. Même si, en 2025, on s’émoustillera toujours sur des visuels très soignés ou des pâtisseries fusion, comme le Saint-Honoré/Paris-Brest de la pâtisserie de la boutique Les Trois Chocolats (Paris), la pâtisserie, selon les chefs interviewés, semble amorcer un virage vers la simplicité, l’authenticité et la durabilité où l’éthique et l’émotion occupent une place centrale.

Xavier, Thomas, Rémi et Desty sont unanimes : il est temps de remettre le goût  au cœur de la création. Dans ce dialogue subtil entre tradition et modernité, l’intention sincère triomphe de l’apparence, redonnant à la pâtisserie sa dimension la plus authentique. 

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