Immersion au coeur du concours du MAF Pâtissier 2025

Le lundi 31 mars 2025, les portes de l’École de Ferrières se sont ouvertes pour accueillir, après les étapes de sélection régionales, la grande finale nationale du Concours du Meilleur Apprenti de France (MAF) Pâtissier. Cette 46ᵉ édition, parrainée par Nicolas Boussin, Meilleur Ouvrier de France Pâtissier, et présidée par Desty Brami, chef pâtissier exécutif du Château, a réuni seize jeunes apprentis venus défendre fièrement les couleurs de leur région et démontrer l’étendue de leur savoir-faire acquis tout au long de leur apprentissage.

Les candidats disposaient de 8 heures, présentation comprise, pour réaliser des créations telles que 2 gâteaux de voyage pour 6 personnes avec au moins 3 textures, 2 galettes des rois pour 6 personnes avec une crème frangipane parfumée au rhum, en y associant un fruit, 2 bûches de Noël pour 6 personnes avec au moins 3 textures différentes, 24 tartelettes en format mignardises, sur une base de pâte friable, 24 bonbons au praliné (trempés à la fourchette), 2 réglettes artistiques pour la présentation de 2 x 8 bonbons ainsi qu’une pièce artistique en nougatine, sucre et pastillage de 40 cm de hauteur pour présenter les 16 mignardises. Le tout sur le thème des « Festivités Sucrées », un thème mettant à l’honneur une valeur fondamentale en pâtisserie : la transmission des traditions et du savoir-faire aux générations futures. Il invitait également les candidats à puiser dans leurs souvenirs d’enfance en y insufflant de l’audace et de la créativité tout en alliant tradition et innovation.

10h : Dans la bulle créative des candidats

En entrant dans le vaste laboratoire de l’École Ferrières, j’ai été immédiatement frappée par l’énergie des candidats, mêlée paradoxalement au silence religieux qui y régnait, perturbé par le son discret des ustensiles et le bourdonnement feutré des fours. Les 16 finalistes, concentrés sur leurs plans de travail depuis l’aube, étaient chacun isolés dans leur bulle créative, conscients que le moindre faux pas pouvait leur coûter leur place sur le podium. Tous faisaient preuve d’une méticulosité et d’une précision extrêmes.

Chaque technique, chaque geste, chaque détail était scruté par le jury, composé de professionnels intransigeants : Stéphane Glacier (responsable du jury travail), Julien Rives Torres, Mickaël Marsollier, Yann Brys, Billy Walter, Philippe Caccavelli, Thierry Bamas et Jonathan Mougel. Leur mission : évaluer avec rigueur la technique, la propreté et l’organisation des candidats.

Crédit photo : Thierry Caron

Ces finalistes, sélectionnés lors des épreuves régionales, incarnaient déjà la relève de la pâtisserie française de demain. Conformément au règlement de la Confédération Nationale des Artisans Pâtissiers, ils avaient réalisé leur mise en place la veille, apportant leurs matières premières pesées et conditionnées. Chaque centimètre de leur plan de travail était optimisé, reflétant déjà, pour leur jeune âge, leur sens aigu de l’organisation, l’un des critères majeurs d’évaluation du jury de travail.

Mon regard se tourna d’abord vers le candidat de l’Île de la Réunion, Ewan Lamplé- Opéré, qui, concentré, posait un cercle inox sur la pâte feuilletée étalée sur le plan de travail fariné. D’un geste précis, il y découpait un disque régulier qu’il détaillait de manière nette. Tout est question de régularité et de précision. Pendant ce temps, Lorena Urban, candidate Grand-Est, avait déjà enrobé ses bonbons de chocolat au praliné. La forme des bonbons était libre : on pouvait observer des carrés, des rectangles. Elle s’appliquait maintenant à la finition, ajoutant une touche décorative à la poche à douille.

Ewan Lamplé-Opéré

Yannis Petresic, médaille d’or du WorldSkill région PACA, découpait à l’emporte-pièce des petits ronds de pâte qu’il plaçait dans les cavités du moule, l’air serein. Pendant ce temps, le candidat d’Occitanie, Maxent Lepine, tempérait son chocolat. Lisa Kiev, candidate Nouvelle-Aquitaine, plongeait ses bonbons au praliné à la fourchette dans le chocolat lisse et brillant avant de les poser méticuleusement sur sa plaque.Les tempéreuses tournaient à plein régime, maintenant le chocolat à température idéale, bien que, comme le stipulait le règlement, l’emploi de la Magic Temper, cette machine conçue pour tempérer automatiquement le chocolat, sans que le chocolatier ait à suivre manuellement tout le processus de tempérage classique, était interdit. À savoir que la cristallisation devait être parfaite : la mise au point du chocolat devait être effectuée par tablage ou ensemencement, techniques indispensables pour obtenir brillance et croquant. 

Lisa Kiev
Maxent Lepine

10h30 : La technique dans chacun des gestes

Evan Grenet, candidat Centre-Val de Loire, d’un geste énergique, transférait, à l’aide d’une truelle, le chocolat pré-cristallisé sur le marbre. La masse, fluide et brillante, témoignait d’un bon ensemencement et d’une température bien maîtrisée. Juliane Trullard candidate Bourgogne-Franche-Comté, s’attelait au pochage régulier en zigzag de son cake enrobé de chocolat noir. Conformément au règlement, la dextérité dans les exécutions, la créativité, l’originalité, l’esthétique des réalisations et de la présentation, ainsi que l’harmonie et les finitions des pièces étaient des critères qui étaient pris en compte par les membres du jury.

Juliane Trullard
Evan Grenet

10h45 : Les premières créations prennent forme

On voyait sur les postes de travail, les premiers cakes finalisés et pochés sur les grilles de cuisson, de belles techniques et une régularité de pochage étonnante pour leur jeune âge. Certains cakes étaient mieux développés que d’autres. La candidate Hélicé Einaudi, candidate Occitanie, versait le glaçage chocolat noir sur son cake qui devait être à la bonne température,ni trop chaud pour ne pas faire fondre la ganache pochée minutieusement, ni trop froid pour garantir une répartition homogène.

Hélice Einaudi

De son côté, Maxent garnissait et pochait ses fonds de tartelettes en y insérant un gel fruité, accroissant le risque d’une complexité supplémentaire qui pourrait peut-être lui jouer des tours lors de la dégustation par les membres du jury. Mathis Rohee, candidat des Pays de la Loire, s’attaquait à la décoration de sa bûche en appliquant du chocolat ivoire à la spatule dans des moules en forme d’étoile pour rappeler la magie de Noël, sous l’œil attentif du jury travail qui notait scrupuleusement chaque détail sur sa feuille d’évaluation.

Mathis Rohee

L’épreuves des galettes des rois : entre technique, rigueur et créativité

L’heure du fronçage des tartelettes avait sonné. La coordination des gestes et le contrôle du temps nécessitaient une organisation méthodique.

Maëlia Leportoux, candidate de Bretagne, après avoir doré sa galette, s’attelait maintenant à l’étape de la décoration. Son couteau glissait sur les bords de la pâte, marquant chaque mouvement d’une précision issue de nombreuses heures d’entraînement.Cette technique ancestrale et réinventée, répondait à l’essence même du concours : « encourager les jeunes professionnels à présenter des réalisations de qualité, conçues et élaborées de façon parfaite et artistique », comme le soulignait le règlement officiel de la Confédération.

Maëlia Leportoux

J’observais les candidats manipuler avec délicatesse la pâte feuilletée qu’ils avaient apportée déjà préparée, respectant scrupuleusement l’exigence des quatre tours imposés par le règlement. La finesse de l’étalage, cette étape si délicate où la moindre pression excessive peut compromettre la stratification si patiemment construite, était scrutée par le jury avec une attention qui en disait long sur son importance. Ils devaient également minimiser les pertes tout en garantissant l’homogénéité d’épaisseur. 

La crème frangipane, âme parfumée de la galette, exigeait un dosage d’une justesse absolue. Les notes de rhum devaient s’affirmer sans jamais dominer. L’’incorporation du fruit choisi par chaque candidat devait être d’un juste équilibre :  trop généreux, il risquait de dénaturer la texture, trop timide, il manquerait sa promesse gustative.  Le rayage, signature visuelle exigée par le règlement, me captivait particulièrement. Jennyfer Vandenemen, candidate des Hauts-de-France, faisait preuve d’une belle maîtrise technique. Positionnant sa galette sur un plateau tournant, elle imprimait avec sa lame une série de motifs d’une régularité hypnotique. La rotation constante du support, couplée à la pression bien calibrée de son couteau, produisait ces arabesques concentriques qui transformaient la pâte en œuvre d’art.

Jennyfer Vandenemen

En longeant la batterie de fours, je contemplais cette phase alchimique où la matière se transforme. Les galettes prenaient vie sous l’effet de la chaleur, se gonflant progressivement d’un souffle doré. Certaines révélaient déjà l’impitoyable vérité du feuilletage, disques de pâte se décalant légèrement, garnitures s’échappant par les côtés. Ces petites imperfections, invisibles pour moi  mais criant de vérité pour les professionnels et apprentis, racontaient toute l’histoire technique cachée derrière l’apparente simplicité de la galette: un feuilletage insuffisamment reposé, une détrempe trop hydratée, ou peut-être une température de beurre imparfaitement maîtrisée lors du tourage.

Pourtant, ce qui me frappait encore plus que ces détails techniques, c’était cette concentration imperturbable des candidats. Malgré l’enjeu, malgré ces petits débordements qui se jouaient derrière les vitres des fours, ils poursuivaient leurs épreuves avec une sérénité qui forçait l’admiration. Dans cette capacité à transcender l’imperfection pour continuer d’avancer se dessinait peut-être ici la plus grande leçon de ce concours d’excellence.

10h48 : Gérer l’imprévu

Le laboratoire bouillonnait d’énergie. Empressée, Alexia Leard, candidate Normandie, coupait ses noisettes torréfiées quand soudain, un petit cri étouffé attira l’attention. Alexia venait de se couper légèrement le doigt avec son couteau en taillant ses fruits secs pour décorer ses bonbons de chocolat au praliné. Un filet de sang perla sur son doig, mais son visage ne trahit qu’une brève contrariété. Sans perdre une seconde, elle nettoya la zone de travail selon les protocoles d’hygiène, désinfecta sa blessure, appliqua un pansement puis se remit aussitôt au travail comme si de rien n’était.Ce moment figeait l’essence du goût de l’effort et de la résilience nécessaires dans ce métier. Les regards approbateurs des jurés en disaient long : ils ne cherchaient pas seulement des pâtissiers techniquement doués, mais des professionnels capables de surmonter les obstacles avec sang-froid et détermination.

Alexia Léard

11h : Des finalistes animés par le goût de l’effort face aux aléas

Chaque candidat jonglait simultanément avec plusieurs préparations : gâteaux de voyage, galettes des rois, finitions des bûches de Noël, tartelettes et bonbons au chocolat nécessitant une organisation optimale, une bonne gestion du temps et de l’espace.Timothée Bastien, candidat d’Île-de-France, m’a impressionnée par sa maîtrise du geste lorsqu’il pochait le chocolat dans les moules de décoration pour sa bûche. Son mouvement était à la fois fluide et précis. Lorsqu’il tapotait doucement le moule pour faire remonter les bulles d’air, ces indésirables que tout chocolatier redoute, on sentait clairement l’expérience et les heures de travail derrière sa technique.Son chocolat noir, tempéré à point présentait une belle onctuosité. Un détail qui n’échappait pas au jury expérimenté.

Thimothée Bastien

Le moment du démoulage des cakes provoqua les premiers frissons. Maëlia Leportoux, candidate bretonne, se heurta à ce problème que tout pâtissier redoute. Son cake pyramidal refusait de quitter son moule. Son visage se figea brusquement. Chaque tentative pouvait endommager davantage la pièce. Elle parvint finalement à libérer sa création, mais le « chapeau » du cake resta accroché au moule. Pendant ce temps, ses tartelettes sorties de la cellule de refroidissement remontaient doucement en température, cette étape de tempérage ambiant étant capitale pour que les arômes s’expriment pleinement à la dégustation.

11h16 : Le travail du chocolat entrait dans sa phase la plus délicate. Le glaçage, qui demandait une température précise pour obtenir une belle brillance sans virer au terne, ou encore la découpe des plaques, qui devait être nette comme un coup de scalpel.Dans ce domaine, la moindre approximation se paie comptant. La régularité des coupes et la perfection des strates révélaient le niveau de maîtrise. Si le coefficient important attribué à ces aspects techniques pouvait sembler sévère, je savais qu’il reflétait une réalité du métier : la régularité est la signature visuelle de l’excellence.

Plusieurs candidats avaient sorti leurs bûches glacées et s’attaquaient maintenant au travail du sucre soufflé ou tiré. J’observais attentivement leur rapidité à façonner avant que la masse ne fige. Une technique qui ne pardonne aucune hésitation. Noémie Hardy finalisait ses bonbons de chocolat avant de s’attaquer au détourage de ses sapins en chocolat. La lame de son couteau, qu’elle prenait soin de réchauffer régulièrement, glissait avec précision sur le contour des formes. L’enrobage de ses bonbons présentait cette fine couche brillante, d’une épaisseur bien régulière, qui fait claquer le chocolat sous la dent. 

Lorena Urban, plongée dans la préparation de ses tartelettes, allait pocher sa crème avec une douille cannelée, ses gestes précis et mesurés. C’est à ce moment-là que Philippe Caccavelli, du jury travail, s’approchait sans bruit, tel une ombre. Elle ne l’avait pas vu venir, mais on sentait que sa présence changeait tout.Il sortit sa plaque de bonbons chocolatés pour une inspection impromptue. Son œil de pâtissier balayait ses créations à la recherche des indices techniques qui ne trompent pas : régularité de l’enrobage visible à la ligne de démarcation à la base, absence de traces de doigts, brillance homogène… Lorena poursuivit son épreuve, visiblement tendue par cet examen inattendu, avant de retrouver son assurance en pochant ses tartelettes avec cette précision rythmique qui ne s’acquiert qu’avec des centaines d’heures d’entraînement.

À mesure que l’épreuve avançait, je percevais de plus en plus clairement ce qui distingue un bon candidat d’un candidat d’exception. Yannis Petresic se distinguait singulièrement du lot par cette capacité rare à maintenir l’excellence sous pression malgré les aléas.

Le moment critique des finitions

Plus qu’une heure avant l’envoi des gâteaux de voyage et tartelettes pour le jury dégustation composé de chefs Nicolas Berger (responsable du jury de dégustation), Eddie Benghanem, Hélène Kerloeguen, Bertrand Borsinet, Matthieu Carlin, Kevin Lacote, Sacha Vadier, Martin Jaroux, Pierre Mirgalet, Julien Dugourd, Quentin Lechat et Ophélie Bares.

Crédit Photo : Thierry Caron

11h27 : L’étape sensible de la pose des décors sur les bûches avait commencé. Les glaçages miroir devaient être parfaits (température idéale, brillance impeccable, texture irréprochable). Tout écart pouvait coûter de précieux points. On pouvait voir chaque candidat poser leurs décorations en chocolat de différentes formes rappelant l’esprit de Noël mais tout en sobriété. Il fallait faire très attention pour le déplacement des bûches glacées sur le présentoir car elles pouvaient s’effondrer à tout moment. D’ailleurs, le drame arriva pour Juliane Trullard qui fit tomber sa bûche mousse au chocolat zéphyr caramel et passion lui coûtant sa place dans le classement. Les membres du jury scrutaient avec attention les glaçages et finitions des bûches et tartelettes. Leurs regards ne laissaient rien échapper: régularité, perfection des textures, harmonie des couleurs. Chaque création de candidat était passée au crible

Alexis Rosier

Le moment de la dégustation sous l’oeil inquisiteur du jury

12h : Les candidats entamaient simultanément la création de leurs pièces artistiques en nougatine et le pastillage en sucre tiré et soufflé et des décorations. La température des fours était bien surveillée, car une cuisson imparfaite de la nougatine ou du sucre pouvait compromettre toute la pièce artistique.

12h30 : Alors que les chariots contenant cakes et mignardises partaient en dégustation, les candidats poursuivaient la réalisation de leurs pièces artistiques en nougatine, sucre et pastillage. La limite de 40 cm imposée par le règlement obligeait à un équilibre parfait entre ambition créative et faisabilité technique. Les candidats avaient la possibilité d’apporter de petites décorations en pastillage, en accord avec le thème imposé. Ce pastillage pouvait être, conformément au règlement, pré-coloré dans la masse ou bien être coloré sur place, à l’aide d’un aérographe ou d’une autre technique.

La nougatine dorée chauffait dans les fours. Son parfum caramélisé embaumait le laboratoire. Une fois sortie, la matière devait être travaillée rapidement, avant qu’elle ne durcisse. Les candidats l’abaissaient au rouleau sur des plaques de silicone, découpaient les formes avec précision, puis les assemblaient avec du sucre fondu qui servait de colle naturelle. Les candidats l’étalaient entre une feuille de silpat et une planche pendant que d’autres la décerclaient via un cercle à entremets ou à tarte en tapotant avec un petit marteau pour la détourer comme l’a fait Jennyfer Vandenemen. D’autres comme Hélicé Einaudi avaient mêlé la nougatine au sésame, faisant un choix plus audacieux. Il fallait que la nougatine soit à bonne température pour la manier. Peu à peu les pièces en nougatine prenaient forme. Pendant ce temps, le jury travail et chef Patrick Philippe vint poser quelques questions et faire quelques remarques à Alexis Rosier en train de pocher les tourbillons sur ses petites tartelettes avec précision pendant que Yannis avait ajouté une complexité supplémentaire à ses tartelettes comme une petite anse en chocolat bien régulière sur une boule d’entremets rappelant la boule de Noël qu’on accroche au sapin. 

Du côté d’Ewan Lamplé-Opéré, venu tout droit de la Réunion, on voyait éclore des ballons en sucre soufflé multicolores. À quelques mètres, de jolies fleurs nacrées prennent forme. Alexia Leard coulait lentement un filet de sucre vert dans un tube, concentrée, cherchant le bon moment où la matière passe de liquide à solide. La cuisson, la coulée, la précision du soufflage, tout était évalué. Le jury s’attardait sur la maîtrise des températures, la netteté des collages, la justesse du montage et l’élégance globale. L’équilibre visuel, l’harmonie des couleurs, le respect du thème imposé.

Mais l’exercice est sans pitié. Un finaliste venait de briser sa pièce mais ne se décourageait pas pour autant. Le mental est aussi important dans ces épreuves ! 

Dernière ligne droite !

13h30 : Les bonbons au chocolat et la nougatine quittent les postes pour rejoindre, eux aussi, la salle d’évaluation. Sur les plans de travail, les pièces artistiques s’étoffent d’ultimes détails. Les candidats, épuisés mais toujours aussi motivés, peaufinent chaque élément de leur buffet. Il reste peu de temps, mais assez pour ajuster, sublimer, terminer avec panache.

À 14h30, c’est l’envoi des bûches et des galettes des rois au jury de dégustation. Ce moment crucial marque un tournant dans la compétition, où chaque création sera jugée selon des critères extrêmement tels que : la texture des crèmes, l’harmonie des saveurs, l’équilibre global en bouche.Rien n’échappe à l’œil aguerri des juges qui évaluent la cuisson de la pâte feuilletée, l’équilibre entre cette dernière et les inserts, ainsi que l’harmonie entre la crème frangipane et les fruits.

La fin de l’épreuve sonne enfin et le jury « travail » entre en action. Les pièces artistiques sont déplacées avec d’infinies précautions vers la salle de présentation. Les candidats disposent de trente minutes pour finaliser leurs buffets avant l’évaluation par le jury de présentation, composé de figures emblématiques de la pâtisserie française : Sébastien Serveau (responsable du jury), Nina Métayer, Stevens Sitruk, Cyril Gaidella et Bastien Blanc-Tailleur. Leur regard scrutateur analyse chaque détail technique : la réalisation des gâteaux de voyage, le travail des galettes des rois, l’exécution des bûches de Noël, la finesse des tartelettes, la maîtrise du chocolat, et bien sûr, la réalisation des pièces artistiques.

À 15h30, le jury se retire et les familles peuvent enfin entrer dans la salle pour admirer les créations. Huit heures d’épreuve concentrées en des buffets spectaculaires, un concentré d’élégance et de technique témoins d’un travail colossal.

Enzo Cottancin – Crédit photo : Thierry Caron
Alexis Rosier – Crédit photo : Thierry Caron
Maxent Lepine – Crédit photo : Thierry Caron
Juliane Trullard – Crédit photo : Thierry Caron

Dans les regards, la fierté et la fatigue

Thimothée Bastien – Crédit photo : Thierry Caron
Noémie Hardy Crédit photo : Thierry Caron

« Ça s’est bien passé. Il y a eu des petits imprévus mais on s’est rattrapés, » me confiait Lorena Urban avec une sensibilité touchante. Cette jeune femme au talent prometteur revenait sur son parcours avec lucidité : « Je suis fière de mon évolution des 6 derniers mois mais on peut toujours faire mieux et j’ai hâte de voir la suite. »

Crédit photo : Thierry Caron

Yannis Petesic, qui sera sacré vainqueur quelques heures plus tard, me faisait part de son histoire familiale : « L’épreuve s’est bien déroulée à part quelques points, comme ma galette où ma plaque s’est retournée un peu. » Fils de pâtissier, il évoque cette transmission précieuse : « Mon père tient une boutique avec ma mère à Vance. Il a réussi à me transmettre cette passion et j’en suis vraiment heureux. » Une passion qui aura porté ses fruits au terme de « mois d’entraînement et de fatigue » comme il le souligne.

Pour Hélicé Einaudi, l’expérience fut « intense » et « compliquée » mais paradoxalement enrichissante : « Je me suis bien amusée pendant l’épreuve et j’ai pu apprendre des techniques nouvelles. » Une réflexion qui témoigne de son état d’esprit positif nécessaire pour affronter ce niveau d’exigence.

Crédit photo : Thierry Caron

Jennyfer Vandenemen ne cache pas la tension qui régnait : « J’étais très stressée comme tout le monde, mais j’ai finalement sorti tous mes produits. » Avec son critique, elle ajoutait : « Ils ne sont pas parfaits, je vois plein de petits défauts que j’aurais aimé corriger, mais je suis contente quand même et mon buffet global n’est pas trop mal. »

Quant au candidat réunionnais Ewan Lamplé-Opéré, il me confiait les difficultés qu’il avait rencontrées pour s’adapter : « J’ai essayé de mettre plein de couleurs, parce que c’est le thème des festivités. Ma galette n’est pas très bien sortie, et il a fallu que je m’habitue à un nouveau plan de travail, ce n’est pas le même qu’à La Réunion. » Une différence à la fois culturelle et technique, qui ne l’a pourtant pas empêché de continuer les épreuves.

Evan Grenet – Crédit photo : Thierry Caron
Lisa Kiev – Crédit photo : Thierry Caron
Alexia Léard – Crédit photo : Thierry Caron
Mathis Rohee – Crédit photo : Thierry Caron
Maëlia Leportoux – Crédit photo : Thierry Caron

Une cérémonie dans le cadre prestigieux du Château de Ferrières

À 16h30, tout le monde se dirige vers le Château de Ferrières. Le parc, entre lac paisible et nature verdoyant, offrait un cadre bucolique idyllique. À l’intérieur, sous un plafond de verre, le Grand Salon déploie ses ors, ses marbres, son atmosphère théâtrale. Le contraste entre tradition et modernité y est saisissant, à l’image du métier que ces jeunes apprentis incarnent et de ce concours d’excellence : 

 « J’ai été très agréablement surprise parce que tous les buffets étaient finis en temps et en heure. » Cette chef reconnue souligne l’exploit technique : « Ce n’est pas évident de sortir un buffet sur un concours aussi compliqué avec autant de préparations dans un temps aussi restreint. » me confiait Nina Métayer, membre du jury « présentation ». Elle met, par ailleurs, en lumière la qualité artistique des réalisations : « J’ai été très agréablement surprise par les pièces principales avec du sucre, du pastillage, de la nougatine. Il y a eu un très beau travail qui mettait bien en valeur les bonbons et les gâteaux. »Cependant, elle a également repéré une faiblesse technique collective : « On a des grosses lacunes globalement au cornet. Ça, les apprentis doivent le travailler. »

La cheffe pâtissière évoquait aussi cette capacité d’adaptation essentielle en concours : « Sur certains buffets, on voit qu’il a pu y avoir des petits problèmes, mais on voit qu’il y a eu des rattrapages. Ce qu’on perçoit comme un échec peut se transformer en très belle victoire avec du recul. »

Bastien Blanc-Tailleur, membre du jury “présentation”, a été impressionné par la qualité des créations des finalistes  : « On a évalué le respect du thème, la maîtrise du chocolat, la qualité des décors, les contraintes techniques. Ce que les candidats ont accompli est remarquable. On a des candidats qui ont fait un superbe travail pour cette année 2025 au Meilleur Apprenti de France. On a vu du travail exceptionnel, il y a vraiment des choses qui étaient nouvelles et je pense qu’on peut vraiment féliciter tous les candidats, le travail qu’ils ont obtenu, le travail qu’ils ont fourni et l’effort qu’ils ont mis à faire ces pièces et je pense qu’on est tous très fiers du travail qu’ils ont apporté. »

Puis, le verdict tant attendu tombe enfin…!

Arrive le moment des discours. Laurent Le Daniel a exprimé sa fierté d’être président de la Confédération des pâtissiers et de ce concours, révélateur des talents de demain. Vient ensuite le tour du président du jury du MAF 2025, Desty Brami qui prend la parole avec émotion : « Pour moi, c’est plus qu’un concours, c’est un tremplin professionnel où on fait énormément de rencontres qui vont nous servir tout au long de notre carrière. »  Il a rappelé les qualités essentielles pour décrocher le titre : « Un candidat doit être très courageux et volontaire. C’est de l’investissement, c’est aimer ce métier de passion. »

Puis, il est revenu sur l’évolution du concours, qui l’a particulièrement impressionné : « À l’époque, j’étais venu avec ma petite mallette de couteaux et mon petit box. Aujourd’hui, ils arrivent avec des échelles, une multitude de matériel. On dirait qu’ils se préparent pour la Coupe du Monde ou le concours de Meilleur Ouvrier de France. » Son message aux candidats résonnait comme un passage de témoin : « C’est un formidable tremplin pour votre avenir. Il vous ouvre des portes pour être reconnus et connaître des professionnels qui vous suivront tout au long de votre carrière. Ces rencontres sont précieuses. »

La proclamation des résultats vint couronner cette journée d’exception :  Yannis Petesic, candidat PACA, succède à  Laelya Van Der Vliet, maf pâtissière 2024 et  remporte le titre de MAF 2025, suivi par Thimothée Bastien (médaille d’argent) et Alexis Rosier (médaille de bronze). Mathis Rohée a, quant à lui, reçu le prix spécial de dégustation.

Yannis Petesic – Lauréat du MAF Pâtissier 2025
Thimothée Bastien – 2 ème place

Ces seize finalistes, formés par des maîtres d’apprentissage d’exception comme Angelo Musa au Plaza Athénée pour Thimothée Bastien, incarnent l’avenir de la pâtisserie française. Certains rejoindront peut-être demain les plus grandes maisons, comme Léa Lagrange aujourd’hui pâtissière au St James Paris, deviendront des chefs à la tête d’établissements prestigieux comme Desty Brami ou Cédric Grolet, ou tenteront, pour les plus ambitieux, le titre suprême de Meilleur Ouvrier de France.

Alexis Rosier – 3 ème position
Mathis Rohée – Prix du jury « dégustation »

La cérémonie s’achève par un somptueux buffet sucré préparé par Desty Brami et son équipe, qui, entre tradition et créativité, continue de porter haut les couleurs de la pâtisserie et de l’excellence française.

La finale du MAF 2025 marquera un moment déterminant, où travail, passion et savoir-faire se sont entremêlés pour donner naissance à des créations qui ne sont pas seulement des prouesses techniques et artistiques mais aussi le reflet d’un engagement profond. Ce concours honore la persévérance, l’humilité et la quête constante de perfection. Il incarne la transmission d’un savoir et d’un savoir-faire façonnés par les maîtres d’apprentissage et sans cesse réinventés par la volonté de faire évoluer le métier.
Ces jeunes finalistes ne sont pas là pour imiter, mais pour écrire leur propre chapitre dans l’histoire de la pâtisserie en s’appuyant sur les fondations de la tradition, tout en insufflant une audace nouvelle à chaque création.

Les candidats du MAF Pâtissier et leur « maman » : Nathalie – Crédit photo : Thierry Caron

Car transmettre, c’est bien plus qu’un simple héritage : c’est permettre à chaque génération de redonner au passé la force de se réinventer.

Recommandé pour vous