Lors du Salon du Chocolat, j’ai eu le plaisir de découvrir l’exposition captivante de la talenteuse photographe culinaire Géraldine Martens : Texture Chocolat, où le chocolat transcende son simple rôle d’ingrédient pour devenir une matière d’expression. À travers un triptyque saisissant mêlant textures, créations et portraits, Géraldine célèbre la vitalité et la malléabilité infinie de cette matière universelle, dans un dialogue vibrant entre les chefs/libraire, la lumière et l’émotion.
L’origine de l’exposition : Une passion pour la matière
Photographier le chocolat, c’est avant tout une histoire de fascination pour Géraldine Martens. « Le chocolat, c’est mon ingrédient préféré et je suis fascinée par sa capacité à capter la lumière et à la refléter », explique-t-elle. Ce qu’elle aime dans cette matière, c’est sa dualité : à la fois brute et délicate, fixe et en perpétuel mouvement. Qu’il soit coulant, crémeux ou fondant, le chocolat possède une vitalité presque organique qui semble évoluer en fonction de celui qui le travaille.
Cette approche va au-delà d’une simple admiration esthétique. Géraldine voit dans le chocolat une matière vivante, presque une métaphore de la création artistique. « Ce que je veux montrer, c’est comment le chocolat vit sous les mains des chefs, comment il s’adapte à leurs gestes, et comment il capte la lumière pour raconter une histoire », confie-t-elle. C’est ce dialogue silencieux entre l’artisan, la matière et la lumière qui constitue l’essence même de sa démarche.
Le concept bien pensé du triptyque : texture, création et portrait
L’exposition repose sur un format triptyque qui dévoile trois facettes indissociables : la texture du chocolat, la création culinaire qu’elle sublime et la personnalité du chef. Ce choix esthétique et narratif reflète l’envie de Géraldine de raconter une histoire complète, où chaque élément trouve naturellement sa place dans une oeuvre cohérente .
- Les textures : Chaque chef a travaillé une texture spécifique du chocolat, mettant en avant la diversité infinie de cette matière. Par exemple, Laurie Schmid ( pâtissière) a exploré le coulant avec une création multi-texture centrée sur une sauce chocolat brillante et une ganache fondante. Marine Mateos ( Formatrice CFA Médéric) a représenté le chocolat dans sa texture onctueuse, tandis que Sabrina Allard ( pâtisserie Mélilot) a choisi la dualité crousti-fondante à travers un brownie. Géraldine capte ces textures avec une précision presque tactile, permettant au spectateur de ressentir la matière par le regard.
- Les créations : Simples mais gourmandes, les desserts et pâtisseries photographiés vont à l’essentiel en travaillant des cookies ou encore des brownies.
« Ce n’est pas la complexité qui prime, mais l’émotion et la gourmandise brute », précise Géraldine.
Cette simplicité sert à mettre en lumière la sincérité du geste artisanal et la puissance émotionnelle du chocolat.
- Les portraits : Chaque chef est photographié dans un environnement épuré, entouré de voiles de lin marron-chocolat et noir, qui rappellent à la fois la matière travaillée et le fond noir de la série. Ces portraits captent l’essence de la personne, sa relation avec sa création et le chocolat. Pour Géraldine, cette matière devient le miroir de la personnalité du chef, reflétant ses intentions, son caractère et ses émotions.
Le chocolat comme moyen d’expression de la personnalité du chef
Dans cette série, le chocolat devient bien plus qu’un ingrédient : il devient une matière d’expression pour les chefs, un vecteur de leur identité et de leur créativité. Chaque portrait est une fenêtre sur l’âme des artisans. Chaque texture choisie reflète leur personnalité et leur sensibilité. « Le chocolat coulant, par exemple, traduit une générosité, une recherche de fluidité. À l’inverse, une texture plus ferme ou brillante peut évoquer la rigueur ou la précision », explique-t-elle.
Les portraits des chefs, enveloppés dans des voiles et éclairés d’une lumière douce, renforcent cette dimension émotionnelle. Ils dégagent une chaleur qui évoque le réconfort et la générosité, des qualités souvent associées au chocolat lui-même. Le choix des tons marron-chocolat et noir tisse un lien direct entre l’artisan et sa matière, les unissant dans une symbiose visuelle et symbolique.
- Les regards des chefs, parfois concentrés (Sabrina Allard ou Laurie Schmid, Azzedine Seddar), parfois rêveurs (François Daubinet),enthousiastes (Marine Zerbib, Déborah Dupont-Daguet ou Nicolas Innocenti), reflètent leur rapport au chocolat : une passion qui mêle maîtrise technique, créativité et émotion.
- Leur posture naturelle et ancrée dans leur environnement de travail souligne leur authenticité et leur dévouement.
Chaque portrait, associé à une texture spécifique, nous permet de ressentir comment le chocolat devient un médium à travers lequel le chef exprime son identité et transmet un message clair : travailler le chocolat, c’est révéler une part de soi. C’est une matière qui se module, qui s’adapte mais qui garde toujours une puissance expressive unique.
Au coeur de cette émotion universelle, la gourmandise
Au cœur de « Texture Chocolat » se trouve une émotion universelle : la gourmandise. « Le chocolat parle à tout le monde. Il évoque des souvenirs d’enfance, des moments de réconfort. Il est profondément ancré dans notre mémoire sensorielle », explique Géraldine. Cette gourmandise est amplifiée par la simplicité des créations, qui laissent la matière s’exprimer pleinement.
Cette simplicité n’est pas un choix minimaliste mais une volonté de recentrer l’attention sur l’essentiel : la beauté brute du chocolat et l’émotion qu’il suscite.
« Pas besoin de sophistication. Ce qui compte, c’est l’émotion brute. » précise-t-elle.
Un projet en constante évolution
Cette exposition n’est qu’une étape dans un projet qui se veut itinérant et évolutif. Géraldine envisage déjà de collaborer avec d’autres chefs, d’explorer de nouvelles textures et de faire voyager cette série dans des galeries. « Il y a encore tellement de textures à découvrir. Le chocolat est une matière infinie. »
Elle espère également créer un lien fort avec le spectateur, en l’invitant à plonger dans la matière, à lire en elle, l’interpréter et à ressentir toute la richesse émotionnelle qu’elle véhicule.
Une ode au chocolat et à l’artisanat
Avec « Texture Chocolat », Géraldine redéfinit la photographie culinaire en explorant le chocolat comme une matière vivante, expressive et universelle. À travers ses triptyques, elle révèle non seulement la beauté brute du chocolat, mais aussi les histoires humaines et émotionnelles qui lui sont intrinsèquement liées, notamment à travers les portraits de huit chefs : Marine Zerbib, Marine Mateos, Nicolas Innocenti (chef pâtissier des restaurants « Ochre » et « Sienne »), François Daubinet (Artiste pâtissier), Sabrina Allard, Laurie Schmid, Azzedine Seddar ( chef pâtissier – Stohrer) et de la libraire : Déborah Dupont-Daguet ( la Librairie Gourmande). Chaque portrait incarne une rencontre entre le chef et la matière, ajoutant une dimension humaine et intime à l’œuvre.
En plaçant le chocolat au centre de son projet, elle nous invite à une double réflexion : d’une part, sur la richesse et la complexité de cette matière vivante et d’autre part, sur l’importance des mains qui la travaillent. Son travail photographique dépasse la simple esthétique : il évoque un rapport intime entre l’homme et la matière, entre la lumière et les textures, entre l’art et l’artisanat.
Avec « Texture Chocolat », Géraldine nous montre que le chocolat n’est pas qu’un plaisir fugace ou un objet de consommation. Il devient une source d’inspiration inépuisable, une matière universelle et intemporelle qui, entre ombre et lumière, ne cesse jamais de vivre et de se réinventer.
CRÉDIT PHOTOS : LE PHOTOGRAPHE DU DIMANCHE ET GÉRALDINE MARTENS ( MERCI INFINIMENT !)