Le 22 mars 2025, la 21ᵉ édition du Festival National des Croquembouches a fait son grand retour à Paris, dans l’enceinte de l’École de Paris des Métiers de la Table (EPMT), renouant ainsi avec ses origines. Après plusieurs années à Yssingeaux, ce prestigieux concours a retrouvé la capitale sous l’impulsion de Jean-Charles Balthazard, président délégué de l’Association Nationale des Formateurs en Pâtisserie (ANFP). Il succède à Daniel Chaboissier, fondateur du concours en 2001, aujourd’hui Président d’Honneur de l’ANFP.
Un concours ancré dans l’excellence
Se déroulant initialement au salon Europain à Paris jusqu’en 2007, le Festival avait ensuite rejoint les locaux de l’École Nationale Supérieure de Pâtisserie (ENSP) à Yssingeaux de 2010 à 2024, année marquant son 20ᵉ anniversaire. C’est à cette occasion que le fondateur a officiellement passé le relais à son successeur, assurant la continuité de ce concours devenu incontournable dans le paysage de la pâtisserie française.
Parrainé par la Confédération Nationale des Artisans Pâtissiers Confiseurs, ce concours s’adresse aux jeunes apprentis de moins de 22 ans exerçant chez un artisan pâtissier ou boulanger-pâtissier, ainsi qu’aux élèves et apprentis en formation (CAP, Mention Complémentaire, BTM, BAC Pro).
L’engouement pour cette édition 2025 a été tel que les 22 places disponibles ont été réservées dès fin octobre 2024, nécessitant même l’établissement d’une liste d’attente. Après quelques désistements, ce sont finalement 19 équipes qui se sont affrontées le jour J.
Une journée dans le feu de l’action !
7h00 : L’accueil des candidats au sein de l’EPMT
Dès 7h du matin, les 19 équipes en binômes mixtes sont accueillies et réparties dans trois grands laboratoires de l’EMPT pour effectuer leur mise en place. Sur leurs plans de travail, ils disposent le matériel nécessaire à la réalisation de leur Croquembouche : moules en silicone contenant les petits choux préalablement confectionnés et cuits, casseroles, grilles, plaques, lampes à sucre, plaques à induction et pour certains, le micro-ondes. Les sucres tirés, déjà cuits et éventuellement colorés, sont posés sur le Silpat de chaque plan de travail, un gain de temps pour l’optimisation des 3h30 d’épreuve.


8h30 : Le coup d’envoi officiel
Avec cinq minutes de retard en raison d’un problème d’électricité, Jean-Charles Balthazard donne finalement le coup d’envoi de l’épreuve de fabrication. Les candidats doivent réaliser leur croquembouche composé de 120 à 150 choux d’environ 3 cm de diamètre, sous l’œil attentif du jury « Fabrication » présidé par Stéphane Glacier, MOF Pâtissier 2000 et comprenant notamment Nicolas Héteau, Chef Pâtissier de la présidence de l’Assemblée nationale, Mélanie Mathez du Jardin Sucré et des formateurs de l’ANFP comme Isabel Joffre, Arnaud Hurstel, Emmanuel Avond et David Lemaire.
De labo en labo, l’activité bat son plein. Les binômes trouvent leur rythme en se partageant efficacement les tâches : pendant qu’un candidat s’attaque au montage des choux, à leur glaçage et prépare la crème qui garnira les choux de dégustation, son partenaire se consacre entièrement à la partie artistique, travaillant le sucre tiré avec la plus grande concentration. L’assemblage final se fait à quatre mains car c’est bien la collaboration qui prime ici. Ce n’est pas un hasard si les organisateurs ont créé un trophée spécial « solidarité » qui récompense l’équipe montrant le meilleur esprit de cohésion et d’entraide tout au long de l’épreuve.


Dans le laboratoire 1, Adrien et Timothée sont en pleine action. Adrien saisit la masse de sucre encore brûlante sur le marbre. 90°C sous les doigts mais ses gants thermiques lui permettent de manipuler cette matière capricieuse sans appréhension. Il tire, replie, tire encore, avec des gestes sûrs qui incorporent l’air nécessaire à cette brillance nacrée recherchée. Le sucre change progressivement de texture, devenant plus soyeux, plus malléable. Il surveille sa lampe chauffante, pas question que le sucre refroidisse trop vite et perde de sa souplesse. À peine un regard échangé avec son binôme pour savoir ce qu’il y a à faire. Entre les mains habiles d’Adrien, le sucre prend forme peu à peu, première étape d’une création prometteuse.
Pendant ce temps, Haoua de l’équipe 2 colore à l’aérographe une décoration en forme de terre en relief, évoquant le « Voyage au centre de la Terre » alors que son coéquipier Erwan prépare la crème pâtissière pour garnir les choux.

9h30 : La tension monte d’un cran
À ce stade de la compétition, les pièces en nougatine détaillées mais non assemblées et non décorées sont déjà visibles sur les plans de travail : barres, courbes, cercles et arcs de cercles, conformément au règlement du concours. Dans le laboratoire 2, l’équipe d’Annabelle et Aaliyah réalise des tests pour colorer leur étoile en forme de boussole, peut-être en référence au roman « Les Sphinx des glaces » ou au « Tour du Monde en 80 jours ».

Le laboratoire 3 abrite plusieurs équipes qui se démarquent déjà par leur maîtrise, leur sens de l’esthétique et leur créativité, notamment l’équipe 12 (Matthias et Tanguy), l’équipe 15 (Chloé Esmault et Mathéo Lopez) et l’équipe 21 (Paul Haezebaert et Maxence Ieng). L’un des candidats surveille attentivement la cuisson de son caramel, maintenu entre 160 et 180 degrés, une étape importante où la moindre inattention pouvait transformer un caramel bien doré en une masse brûlée.


Soudain, une odeur âcre se répand depuis le laboratoire 3, probablement un caramel trop poussé par un candidat absorbé par une autre tâche. Face à cette urgence, les candidats s’empressent de plonger leurs choux dans le caramel liquide pour obtenir une surface lisse et brillante. Certains candidats, comme Tanguy Le Strat, optent pour une technique particulière en pochant directement le caramel dans des moules en silicone avant d’y déposer les choux, assurant ainsi régularité et uniformité. D’autres ont fait preuve de plus de créativité en inscrivant des numéros sous le glaçage au caramel.


10h00 : Place à la dégustation – L’instant de vérité approche
Après deux heures de préparations intenses, les premiers plateaux sont enfin soumis à l’examen du jury dégustation, présidé par Serge Granger, Meilleur Ouvrier de France Chocolatier 1993. Un comité d’experts aguerris l’entoure, tels que Mélanie Lhéritier ou encore Jacky EGBERT, Formateur Pâtissier, membre ANFP, tous prêts à évaluer le moindre détail avec précision. Ici, chaque chou est passé au crible : la texture de la pâte, l’équilibre des saveurs, la finesse du caramel, tout doit être maîtrisé à la perfection.


Les règles sont strictes : chaque équipe doit présenter 15 choux garnis d’une crème pâtissière ou mousseline, infusée aux parfums de purée ou pulpe de fruits Andros Chef. Leur robe brillante de caramel doit être fine, sans excès ni coulure. Ces petits choux reposent sur des carrés de nougatine de 3 x 3 cm, croquants mais ni trop durs ni trop collants, accompagnés d’une fiche technique détaillant chaque composant. Un travail d’orfèvre où la rigueur et la précision sont capitales.


Dans l’ombre du jury, le stress est palpable. Au poste de travail de l’équipe 4, Marguerite, concentrée, pose une main sur l’épaule de Jade pour tenter d’apaiser la tension : « T’inquiète, il reste 4 minutes », souffle-t-elle d’une voix qu’elle veut rassurante. Mais le regard de sa binôme trahit une nervosité grandissante. Chaque seconde qui passe resserre l’étau autour des candidats. Le moindre faux pas pourrait compromettre leur prestation devant ce jury intransigeant, où la moindre imperfection ne pardonne pas.
Les premières bouchées sont enfin goûtées. Les visages du jury restent impassibles, leurs palais analysent, comparent, jugent. Dans le laboratoire, les équipes suivent du coin de l’œil ces instants cruciaux. L’attente est insoutenable. La dégustation vient de commencer, mais pour les candidats, le challenge est de garder leur sang-froid jusqu’au verdict final.


À l’issue de la dégustation, Mélanie Lhéritier, cheffe pâtissière-gérante du Jardin Sucré, nous partage ses premières impressions : « La cuisson des choux était globalement très correcte et plutôt régulière. Sur le plan gustatif, en revanche, beaucoup d’associations étaient un peu trop marquées, avec une dominante d’agrumes, de fruits de la passion… des profils très exotiques. »
Elle souligne par ailleurs une dualité souvent rencontrée dans ce type de concours : « On voit parfois des pièces superbes visuellement, qui ne tiennent pas la route à la dégustation. C’est dommage, mais cela rappelle qu’en pâtisserie, l’esthétique ne doit jamais prendre le pas sur le goût. »
Elle revient, par ailleurs, sur les critères d’évaluation et les tendances observées cette année : « Nous avons évalué plusieurs éléments : les petits choux, bien sûr, garnis d’une crème pâtissière classique ou agrémentée d’inserts fruités, mais aussi la nougatine », explique-t-elle. « Cette dernière se présentait sous diverses formes : nougatine aux amandes hachées, amandes effilées, sésame… Des variations intéressantes que nous avons notées. »

Si l’esthétique du croquembouche reste importante, l’exigence du jury ne s’arrête pas à l’apparence : « La note de dégustation est primordiale. Un croquembouche peut être visuellement impressionnant mais il faut que le goût suive. Il doit y avoir un équilibre entre le visuel et le gustatif. Et tous les binômes n’ont pas su trouver le bon équilibre.
Martial Teyrasse, membre du jury dégustation et formateur à l’AFNP pointe une tendance observée chez plusieurs candidats : une volonté de trop en faire : « Certains ont multiplié les arômes dans une seule garniture : yuzu, ananas, citron… Tout cela dans une seule crème. À force de mélanges, on perd la clarté des saveurs, et au final, on ne sait plus vraiment ce que l’on déguste. C’est dommage, car l’intention était bonne : apporter une note fruitée, une touche de fraîcheur… mais parfois, un seul fruit bien choisi aurait suffi. » Il l’importance de la maîtrise technique mais aussi de la sobriété créative, pour convaincre le palais d’un jury aussi expérimenté qu’exigeant.
10h30 : L’émergence des pièces artistiques inspirées des oeuvres de Jules Verne
Les laboratoires se transforment en ateliers d’orfèvrerie pâtissière, où les créations inspirées par l’imaginaire de Jules Verne prennent peu à peu vie sous les mains agiles des candidats. Ici, la spirale élégante du Nautilus se dessine en nougatine dorée. Plus loin, des montgolfières délicatement ornées de choux s’élèvent sur des supports finement ciselés.


Du côté d’Evan et Mathéo, le travail du sucre tiré donne naissance à de superbes fleurs translucides, captant la lumière avec poésie. Plus loin, l’équipe de Maxence et Paul dévoile une pièce artistique audacieuse : une proue élancée et un mât dressé, peut-être une évocation du Sloughi, navire emblématique de L’Île mystérieuse ou de Deux ans de vacances.


Le décor se met en place et déjà, le souffle de l’aventure se fait sentir dans ces sculptures où technique et créativité se mêlent habilement.
11h00 : Premiers signes de fragilité : La tension monte
La tension est à son comble dans les laboratoires de pâtisserie, où chaque geste doit être précis, minutieux et chaque seconde optimisée. Tout est question d’organisation, de rigueur et de cohésion. Mais à cette heure critique, les premières failles apparaissent. Du côté de l’équipe Marguerite et Jade, une fêlure nette vient zébrer leur barre en nougatine sculptée en forme de livre, un frisson d’inquiétude parcourent les membres du jury fabrication. Plus loin, la pièce d’Annaelle, inclinée à l’extrême, attire l’attention du jury : tiendra-t-elle le choc jusqu’à la présentation finale ?

Entre la coloration du caramel, le travail du sucre, la réalisation de la nougatine, la précision des décors, les finitions et l’écriture au cornet en finale, c’est un travail très technique qui est demandé aux candidats. Chaque détail est pris en compte et chaque étape doit être exécutée avec précision pour que l’ensemble tienne parfaitement.


Les murmures deviennent plus tendus, les échanges plus nerveux : « Tu es au collage ? » lance un candidat, le regard rivé sur sa structure. Quelques secondes plus tard, un cri d’alerte fuse : « Il tient pas, le chou, là ! » L’humidité ambiante s’invite dans la compétition, compliquant la fixation des pièces en sucre et des choux mettant à rude épreuve les nerfs des compétiteurs. C’est la panique à bord ! Les équipes doivent composer avec ces contraintes imprévisibles, ajustant leur timing et leur coordination à la seconde près.


L’épreuve se transforme en un tour de funambule. Le moindre faux pas, la moindre erreur peut faire vaciller des heures de travail acharné. L’adrénaline est à son maximum et l’issue de la compétition se joue maintenant sur la maîtrise et la résilience de chacun.


11h15 : Poursuite des dégustations et montages artistiques
Dans un silence quasi religieux, le jury dégustation, composé également d’Arnaud Mathez du Jardin Sucré et des formateurs de l’AFNP comme Alain Colomb ou Martial Teyrasse, poursuit son travail méticuleux. La 11ᵉ équipe est à l’épreuve, et il reste encore 11 assiettes à analyser. Chaque dégustation fait l’objet une évaluation méticuleuse où la moindre variation de texture ou de saveur peut faire basculer le verdict. La coque des choux doit être parfaitement cuite : ni trop sèche, ni trop molle, avec cette fine résistance sous la dent avant de révéler une crème délicate et justement dosée en sucre. Le caramel, lui, doit être fluide mais pas collant, apportant une touche doucereuse sans masquer les arômes du fruit. Tout est scruté avec une précision implacable, car dans ce concours, la perfection est la seule norme acceptable.


Pendant ce temps, dans les laboratoires, les sculptures en sucre et nougatine prennent progressivement forme, défiant la gravité dans un fin jeu de précision et d’équilibre. À ce stade, l’isomalt devient le meilleur allié des candidats : ce substitut de sucre de betterave, prisé pour sa transparence et sa stabilité, est utilisé en guise de colle pour fixer les pièces entre elles. Plus résistant à l’humidité que le sucre traditionnel, il est indispensable pour assembler des structures complexes, notamment les éléments élancés et les pièces aériennes qui donneront aux croquembouches toute leur grandeur. Mais il demande une parfaite maîtrise : chauffé trop fort, il jaunit et devient cassant ; trop froid, il ne fixe pas correctement. Chaque équipe doit jouer avec la température et la rapidité d’exécution pour réussir un collage propre et solide tout en composant avec l’ennemi des candidats : l’humidité des laboratoires.


11h30 : Le compte à rebours est lancé avant la présentation des pièces artistiques
Un coup d’œil à l’horloge suffit à faire monter l’adrénaline : Nicolas Bernardé, MOF pâtissier et Président du jury, annonce d’une voix ferme qu’il ne reste qu’une heure avant la présentation finale. Dans la salle, le rythme s’accélère. Plus question d’hésiter : chaque candidat doit finaliser son œuvre en veillant aux moindres détails. Les décors en sucre tiré doivent être impeccablement formés, les pièces en nougatine solidement fixées, et les choux disposés avec harmonie pour un bel effet visuel.


Le stress se lit sur les visages mais l’excitation aussi. Car au-delà de la tension, il y a cette énergie propre aux grandes compétitions, ce moment où tout se joue, où le talent et la persévérance sont mis à rude épreuve : « Tout ce qui est impossible reste à accomplir », écrivait Jules Verne. Une phrase qui résonne plus que jamais ici, alors que les candidats repoussent les limites de leur créativité et de leur savoir-faire pour transformer leur vision en œuvre d’art.
12h00 : Ultimes ajustements avant le verdict
Un moment particulièrement critique survient lorsque la proue des candidats Maxence et Paul a failli s’effondrer au moment où ils installent la voile. Heureusement, ils l’ont rattrapée à temps et se sont empressés de la recoller. L’équipe de Pauline et Fanny a également connu une mésaventure similaire avec une barre en nougatine sur le point de se casser, mais elles ont réussi à la stabiliser de justesse.


À 15 minutes de la fin de l’épreuve, on pouvait sentir l’urgence dans les gestes fébriles de chaque candidat. Les derniers détails étaient ajustés et les pièces artistiques alliant nougatine, sucre et petits choux, étaient presque prêtes à être présentées.


12h30 : Le défilé fébrile des croquembouches
L’heure est venue, pour les candidats, de sortir les croquembouches des laboratoires pour les présenter au jury. Après des heures de travail méticuleux, de stress et d’adrénaline, chaque équipe doit maintenant affronter une ultime difficulté : le transport de son croquembouche. Une mise à l’épreuve des choix techniques et artistiques réalisés en amont qu’ils n’ont pas forcément pensé à anticiper.


Au-delà de l’esthétique et de la complexité du montage, les croquembouches doivent répondre à un critère fondamental du concours : être transportables et commercialisables. Or, certaines équipes ont misé sur des structures très délicates et trop ambitieuses parfois au détriment de la stabilité. Des pièces trop élancées, des bases sous-dimensionnées ou des collages fragiles compliquent terriblement leur manipulation. Dans le couloir menant à la salle d’exposition, chaque pas est mesuré, les respirations sont suspendues. Et parfois, l’irréparable se produit : un déséquilibre, une secousse et c’est une pièce qui vacille dangereusement. Certaines équipes parviennent à rattraper l’accident de justesse, d’autres n’ont pas cette chance et voient une partie de leur travail et des mois de préparation en amont s’effondrer sous leurs yeux.
Ce moment clé rappelle que la pâtisserie, au-delà du visuel et de la partie technique, est avant tout une question de praticité et de viabilité commerciale. Un croquembouche, aussi spectaculaire soit-il, doit pouvoir être transporté sans risque et présenté sans crainte. Les équipes qui ont su anticiper cet aspect s’en sortent avec brio, leurs pièces artistiques tiennent malgré le stress du déplacement. D’autres, en revanche, payent le prix de choix trop ambitieux ou d’une fragilité sous-estimée.
Parmi les croquembouches exposés, celle d’Haoua et Erwan a retenu mon attention. Inspirée par l’univers de Jules Verne, leur pièce artistique alliait poésie et imagination: « C’était super inspirant, il y avait beaucoup à dire. Avec le thème de Jules Verne, on peut vite s’éparpiller… Heureusement, on a été bien accompagnés : ils ont su nous encadrer pour éviter de faire une pièce trop chargée », raconte Haoua.
Le duo a choisi de représenter le voyage sous toutes ses formes, entre symboles et détails narratifs : « On a fait un mât au-dessus d’une base, avec une plume au centre. On a ajouté des voiles, des cordes pour rappeler le bateau, une sphère avec une planète à l’intérieur, et une grande fleur entourée d’arabesques pour donner de la majesté », explique-t-elle.

Mais cette complexité esthétique reposait sur un équilibre structurel assez délicat, et la fragilité de certains éléments a mis leurs nerfs à rude épreuve : « Le plus dur, c’était que la pièce tienne… Le mât était très fin, la structure était vraiment le défi principal », confie Haoua.
La répartition des rôles s’est faite naturellement : Erwan s’est concentré sur la nougatine, Haoua sur le sucre, et tous deux ont collaboré sur la mise en forme finale. Enfin, quand on lui demande ce qu’elle aurait fait avec cinq minutes de plus, la réponse est pleine de lucidité créative : « Je voulais rajouter une rose… mais on m’a dit que c’était peut-être la rose de trop. Alors je l’ai enlevée. »
14h30 : Un vibrant moment de partage, d’émotion et d’émerveillement autour des croquembouches des candidats
L’ambiance dans la salle d’exposition était à la fois joyeuse et tendue. Les familles, les proches et les formateurs des candidats faisaient leur entrée, impatients de découvrir les incroyables pièces artistiques réalisées pendant le concours.




C’était l’instant tant attendu : celui où les efforts de plusieurs mois de préparation et d’entraînement prenaient tout leur sens. Les croquembouches impressionnants étaient là, dressés fièrement comme de vrais œuvres d’art contemplées dans un musée.
Pendant ce temps, les candidats, un peu fatigués mais soulagés, quittaient le laboratoire après avoir nettoyé leur poste et pris un moment pour souffler. En attendant les résultats, l’émotion montait doucement. Chacun savait que tout pouvait encore basculer mais pour l’instant, c’était le moment de la contemplation et de la fierté pour les proches qui tentaient de consoler ou rassurer les candidats.




L’occasion également d’échanger avec les lauréats de l’an dernier, Maïa Jogé et Rémy Saint-Félix, dont la pièce inspirée du thème Paris 2024 avait fait sensation.
Leur participation au Festival des Croquembouches leur a ouvert de nombreuses portes :« Nous avons travaillé sur le thème des JO 2024.Ce concours nous a énormément apporté. Ça nous a demandé beaucoup de travail, mais c’est justement ce qui nous a permis de progresser.» Rémy ajoute : « Me concernant, j’avais terminé ses études et j’ai pu trouver du travail assez facilement, que ce soit pour des postes fixes ou des saisons.» «Et pour moi, même si je suis encore en examen, ça ouvre déjà des perspectives. Au-delà de ça, on a vraiment perfectionné nos techniques, car on passe énormément d’heures à s’entraîner, bien plus qu’en formation classique. Et malgré l’intensité, on prend beaucoup de plaisir dans l’aventure. » ajoute Maïa.




Le concours leur a non seulement permis de perfectionner leur technique, mais également d’élargir leur vision, leur réseau et de faire connaître leur travail. Un impact positif qui dépasse la simple récompense, en ouvrant des perspectives pour l’avenir de ces jeunes talents prometteurs de la pâtisserie.




15h30 : L’annonce du palmarès
Avant de dévoiler le palmarès, le Président du jury de cette édition, Nicolas Bernardé, a tenu à rendre hommage à l’engagement des jeunes pâtissiers avec un discours à la fois sincère, touchant et inspirant :
« Je leur ai dit de travailler avec le cœur, avec passion, avec joie, avec amour… et c’est ce qu’ils ont fait. On les a vus sourire, les yeux pétillants. Ce que je retiens aujourd’hui, c’est que l’esprit gouvernait la main, et non l’inverse. »

Dans une métaphore aussi inattendue que poétique, il a comparé les candidats à des aigles et des escargots, rappelant que chacun avance à son rythme, et que la place sur le podium ne détermine pas tout :
« Être plus bas, ça veut peut-être dire y arriver un jour. »
Juste avant la remise des trophées, Jean-Charles Balthazard a tenu à souligner un autre symbole fort de cette édition : les trophées 2025, ont été conçus par les apprentis ébénistes du CFA d’Eschau pour être remis aux apprentis pâtissiers. Une manière de valoriser l’ensemble des métiers d’art et de tisser des liens et de mettre à l’honneur les valeurs chères de la pâtisserie : la transmission et le partage.

Le silence s’installe progressivement… puis les résultats tombent enfin. Fébriles, les candidats retiennent leur souffle. L’émotion est à son comble, surtout après un moment de flottement : Jean-Charles Balthazard s’est embrouillé dans l’annonce des résultats, appelant par erreur les mauvais candidats. Une confusion vite rectifiée, mais qui a brièvement amplifié le suspense et la tension dans la salle. Finalement…
🥇 Médaille d’Or pour Chloé Esmault & Mathéo Lopez – Maison Vincent Guerlais, Nantes
Les gagnants ont proposé une interprétation à la fois poétique et maîtrisée de l’univers de Jules Verne, à travers un croquembouche majestueux et bien exécuté. Leur sculpture a marqué les esprits par sa maîtrise technique et son esthétisme. Inspirée des récits visionnaires de l’auteur, elle alliait finesse technique et narration visuelle : une montgolfière suspendue, symbole de Cinq semaines en ballon, une boussole évoquant Le Tour du monde en 80 jours, un avion rappelant Robur le Conquérant, un gouvernail faisant écho à Vingt mille lieues sous les mers et une planète représentant les voyages interplanétaires de De la Terre à la Lune.

Chaque pièce et chou était d’une belle précision, régularité avec une nougatine parfaitement caramélisée, un travail de pastillage et de sucre tiré bien maîtrisé. Le tout formait une sculpture audacieuse, bien équilibrée, à la fois poétique et élégante.
Ce duo remporte aussi le Prix “Découpes” ChefCut/Hydroprocess pour la finesse de leurs éléments décoratifs.

🥈 Médaille d’Argent : Matthias Lafere & Tanguy Le Strat – École de Boulangerie et de Pâtisserie de Paris (E.B.P.)
Avec leur pièce « Ventura », ils ont proposé une lecture très personnelle et ambitieuse de l’univers vernien. Leur intention : retranscrire l’imaginaire fascinant de Jules Verne en mêlant exploration, technologie et nature mystérieuse. À la base de la pièce, une barre de gouvernail symbolise le voyage et la maîtrise des éléments. Des arches tentaculaires, inspirées de Vingt mille lieues sous les mers, s’élèvent ensuite, à la fois protectrices et menaçantes. En son centre, trône un majestueux dirigeable, clin d’œil à Robur le Conquérant, s’élançant vers les airs pour incarner le rêve de conquête et le progrès scientifique. Tout autour, des fleurs fantastiques évoquent les paysages extraordinaires de Voyage au centre de la Terre ou L’Île mystérieuse, où la nature, à la fois belle et intrigante, règne en maîtresse. Enfin, le Nautilus, posé sur la barre de gouvernail, incarne l’audace et l’esprit d’aventure du capitaine Nemo. À travers cette pièce montée, les candidats ont su créer un univers onirique où les récits visionnaires de Jules Verne prennent vie en caramel et en choux. Un hommage à la fois gourmand et immersif aux Voyages Extraordinaires.

Côté difficultés, Matthias Lafere évoque une difficulté à double niveau : il a d’abord fallu trouver une thématique précise à l’intérieur de l’œuvre monumentale de Jules Verne – un exercice complexe qui demandait à la fois imagination et cohérence. Sans oublier, selon lui, une contrainte majeure à ne jamais perdre de vue : la pièce devait rester commercialisable.
Enfin, comme pour de nombreuses équipes, l’humidité du laboratoire a constitué un obstacle provoquant le décollement des choux et le déplacement de certaines pièces, rendant l’assemblage final d’autant plus fragile.
🥉 Médaille de Bronze : Noé Bouchareychas & Hélène Roger – École Ferrandi, Paris
À travers leur croquembouche, ils ont voulu capturer l’esprit d’aventure et d’exploration de l’univers de Jules Verne. Avec des éléments comme la montgolfière, l’avion, la boussole, le gouvernail et l’escargot du Nautilus, ils ont symbolisé les voyages, la conquête des cieux et des mers, et les inventions fascinantes qui peuplent ses romans. Chaque détail rend hommage à l’imaginaire et à l’ingéniosité de Verne.
4e – Coralie LEROND & Romain MARCHOCKI 📍 Yann BRYS – Pâtisserie Tourbillon

5e – Laudine PAGÉS & Jules DUTERTRE 📍 E.B.P. Paris

6e – Paul HAEZEBAERT & Maxence IENG 📍 Maison Ladurée – Paris

7e – Adrien MATHIEU & Tymoté LEFORESTIER📍 CEPAL Nancy

8e – Haoua DEBE & Erwan DELICOURT 📍 BO&MIE Le Lab – Clichy

9e – Sérine FERDI & Laura RONCERET📍 EPMT – Saulx-les-Chartreux

10e – Gabriel BERNET & Owen RIGAULT📍 Pâtisserie LAC – La Trinité

11e – Pauline MOREY & Fanny CABUT 📍 CMA Formation – Gevingey (Jura)

12e – Romane BERTHOME & Pauline ALLARD📍 VFA-MFR Saint Michel Mont Mercure

13e – Evan BADUEL & Mathéo DEHIEU 📍 CFA 13 Vents – Tulle

14e – Annaëlle COLAS & Bartholomé FEDER📍 École Ferrandi – Paris

15e – Mathis PENSATO & Ilhan DUTHEIL📍 Lycée Technique Sacré-Cœur – St Chély d’Apcher

16e – Mathis SAUVONNET & Nathan GILLE 📍 CMA Formation – Gevingey (Jura)

17e – Aaliyah ABAZINE & Annabelle DOUGLAS 📍 Pâtisserie Pierre MATHIEU – Bordeaux

18e – Marguerite BREHON & Jade FROMENT 📍 Institut LYFE – Lyon (pièce cassée)

19e – Aymerick FRANCOIS & Simon RUIZ 📍 EPMT (pièce cassée)
Des Prix Spéciaux ont également été attribués par les partenaires du concours aux candidats :
- Le prix Saveurs “Andros Chef”
Laudine Pagés & Jules Dutertre (E.B.P. Paris) - Le prix Présentation “Décorelief”
Paul Haezebaert & Maxence Ieng (Maison Ladurée, Paris) - Le prix “Commercialisation” Louis François
Paul Haezebaert & Maxence Ieng (Maison Ladurée, Paris) - Le prix “Esprit d’Équipe” ANFP
Marguerite Brehon & Jade Froment (Institut LYFE, Lyon)
Un duo complice, fluide, parfaitement synchronisé : une belle démonstration que la réussite passe aussi par l’entraide et la cohésion. - Le prix Spécial du Jury “Passionnément Artisan”
Haoua Debe & Erwan Delicourt (BO&MIE Le Lab, Clichy)
Un travail sincère, habité, profondément artisanal. Leur pièce, moins parfaite peut-être, mais chargée d’intention, a ému les membres du jury. - Trophée de la Formation ANFP
École de Boulangerie et de Pâtisserie de Paris (E.B.P.)
Récompense méritée pour une structure pédagogique qui, année après année, forme avec exigence les talents de demain.
À l’issue de cette édition, Stéphane Glacier, Meilleur Ouvrier de France Pâtissier 2000 et membre du jury « fabrication », a livré ses impressions sur les performances des candidats :
« Ce sont des jeunes d’une vingtaine d’années, qui ont aujourd’hui un niveau que nous n’avions pas à leur âge. Grâce à l’évolution des mentalités, à une formation plus ouverte, à la communication, aux réseaux sociaux, à la médiatisation du métier… ils apprennent beaucoup plus vite que nous.
Mais le danger, c’est que quand on va vite, on brûle des étapes, un peu comme en voiture : plus on accélère, plus on risque de perdre des points. »
Il a également exprimé une certaine inquiétude quant à la maîtrise des bases :
« Je suis toujours un peu surpris et parfois déçu par le manque de rigueur sur les fondamentaux. Artistiquement, leur niveau est bluffant pour leur âge : l’esthétique, les techniques modernes, la créativité sont là.
Mais il reste de nombreuses lacunes sur les bases. Là, on est sur un concours, et déjà sur une seule pièce, certains peinent à maîtriser, par exemple, la cuisson du caramel.
Alors j’imagine difficilement ce que ça donnerait, un samedi chez moi, avec 10 ou 15 pièces montées à sortir. Vu la façon dont certains gèrent leur sucre… je préfère ne pas les imaginer dans cette situation !
Ils font des choses impressionnantes, oui, mais en mise en application réelle, en labo, je serais très curieux de voir. »

Cette 21e édition du Festival National des Croquembouches marque un tournant pour la pâtisserie française. Les jeunes générations ont impressionné les membres du jury par leur créativité débordante et une maîtrise artistique de plus en plus affirmée. Mais comme le souligne justement Stéphane Glacier, une question se pose : à force d’apprendre vite, grâce aux tutos, aux réseaux sociaux et à une formation accélérée, ne risque-t-on pas de brûler certaines étapes essentielles ?
Si les fondamentaux se font parfois oubliés, on ne peut qu’être frappé par l’audace et la poésie des pièces présentées. Oubliée la forme classique en cône ! Avec l’univers de Jules Verne pour fil conducteur, les croquembouches deviennent des récits en volume, des sculptures sucrées où chaque élément raconte une histoire. Même des techniques complexes comme le sucre tiré, sont maniées avec assurance par des jeunes à peine sortis d’apprentissage. Une belle preuve de la démocratisation des savoir-faire en pâtisserie.
Mais ce concours rappelle aussi la réalité du métier : la technique pure ne suffit pas. L’humidité des labos, les structures fragiles, le stress du transport… tout cela fait partie du quotidien en boutique comme en concours. Et face à ces aléas, seule l’expérience, patiemment acquise sur le terrain, permet de s’adapter et de faire la différence.
Un regard tourné vers l’avenir : cap sur le 22ᵉ Festival des Croquembouches !
Jean-Charles Balthazard a d’ores et déjà annoncé que le 22ème Festival National des Croquembouches en 2026 rendrait hommage à Claude Bourguignon, un grand nom de la pâtisserie française et formateur d’exception qui a transmis sa passion à plusieurs pâtissiers renommés comme Angelo Musa, Christophe Felder, Gilles Marchal et Frédéric Bau.
À travers ce concours, le Festival National des Croquembouches continue d’incarner l’esprit d’innovation et d’excellence qui anime la pâtisserie française, tout en offrant à la nouvelle génération l’opportunité de démontrer son talent et de préserver la tradition. À l’image des héros de Jules Verne qui repoussent sans cesse les limites du possible, ces jeunes pâtissiers prouvent que tout est possible pour ceux qui osent rêver en grand et travaillent avec audace, créativité et passion.
