Il y a quelques semaines, j’ai eu l’opportunité de découvrir l’exposition de l’éminent photographe, bien connu des chefs : Patrick Rougereau, au salon Pâtiss’Art de Deauville.
Dans cette exposition, Patrick propose un voyage visuel où la photographie culinaire se transforme en une exploration artistique des textures et de la matière et se dévoile même sous sa forme…Céleste ! Qu’il s’agisse de pâtisseries, de fruits ou de chocolat, chaque cliché de Patrick transcende l’image pour révéler la puissance, le mouvement et même la poésie cachée dans ces créations. Sa démarche est simple mais percutante : guider l’œil vers l’essentiel en dépouillant ses images de tout artifice et laisser la matière s’exprimer par la lumière.
Révéler les matières premières par la lumière
Dans cette série, Patrick exploite la lumière pour faire des fruits ou des fongiques ( champignons de Paris) des astres cosmiques, transcendés par un éclat intérieur. Les fruits et champignon ne sont plus des matières premières, mais des métaphores de l’infini à travers l’éclipse. La myrtille, avec sa texture et ses nuances de bleu profond, devient une galaxie, un monde mystérieux qui rappelle l’œil humain, comme une introspection visuelle. La framboise, quant à elle, évoque une planète suspendue dans l’espace, magnifiée par la lumière. Ces clichés font écho à l’idée que, dans l’infiniment petit de la matière, se cache une immensité à contempler. Patrick donne ainsi aux fruits une dimension presque sacrée, comme une invitation à redécouvrir le cosmos au sein de la nature.
Le chocolat, métaphore de la puissance
Les photographies de chocolat de Rougereau révèlent une matière brute et intense, où la force et l’élégance se mêlent. Dans La Femme au Pistolet d’Or, le chocolat est traité comme un matériau noble, évocateur de sensualité et de puissance. Sa texture dense, parfois explosive, évoque la dualité du chocolat, à la fois riche et raffiné, mais aussi robuste. Cette approche rend hommage à la profondeur de cette matière en soulignant son potentiel expressif. Dans cette photographie, Patrick transforme le chocolat en symbole de vitalité, où la matière brute incarne la puissance et la sensualité, et invite le spectateur à ressentir, presque physiquement, la profondeur de cette matière.
Arrêt sur image : La pâtisserie et la viennoiserie en mouvement
Avec la série dédiée aux pâtisseries et aux viennoiseries, réalisée en collaboration avec le pâtissier renommé Cédric Grolet, Patrick capte l’idée du mouvement dans la matière. En plaçant un pain au chocolat sur des rubans de soie blanche, il symbolise la grâce, la pureté et la légèreté des couches de feuilletage qui semblent en perpétuelle transformation. Ce contraste visuel entre le blanc des rubans et le doré des feuillets traduit une esthétique de la fragilité et de l’éphémère, où la viennoiserie devient vivante. La métaphore du mouvement dans ces œuvres suggère que la matière, aussi délicate qu’un feuilletage, est en constante évolution, tout comme l’est la pâtisserie,symbole de la transience et de la beauté instantanée.
L’hommage au patrimoine français
L’une des photographies les plus emblématiques de cette série met en scène Cédric Grolet sur un vélo, dont la roue est un Paris-Brest géant de 70 cm de diamètre. Cette image, à la fois audacieuse et poétique, évoque le patrimoine français en associant une pâtisserie iconique au monde du sport et au style de vie français. En mettant en avant cette pâtisserie au format XXL, Patrick souligne la démesure, l’héritage et la place de la gastronomie dans la culture française et l’histoire notamment à travers la photographie de la femme de Cédric au Meuritz.
Entre réalisme et onirisme : Une redéfinition de la matière
Les photographies trompe-l’œil de Patrick Rougereau jouent avec les perceptions et rappellent que chaque matière possède des aspects insoupçonnés. En transformant les brioches de Cédric Grolet en blocs de pierre ou de bois, il remet en question notre vision de la matière et son interprétation. Ce jeu de textures fait osciller les œuvres entre le réalisme et l’onirisme, confrontant le spectateur à une dualité fascinante. Par cette approche, Patrick nous incite à reconsidérer la nature des éléments qui nous entourent, en montrant que chaque objet renferme une essence autre, prête à émerger sous un regard différent. Il nous incite à voir au-delà des apparences.
Une démarche minimaliste pour magnifier l’essentiel
Le minimalisme de ses photos repose sur l’utilisation de fonds neutres qui mettent en avant l’essence de la matière photographiée. En choisissant de dépouiller ses compositions, il révèle les reliefs, textures et volumes de chaque sujet, laissant la lumière jouer le rôle de protagoniste. Cette approche minimaliste est un hommage à la simplicité et à l’authenticité, où la matière parle d’elle-même, sans décor superflu. En magnifiant l’essentiel, Patrick guide l’œil vers une esthétique épurée, où la beauté des textures brutes prend toute sa signification.
De la photographie à la sculpture : Une exploration de la matière
Patrick Rougereau brouille les frontières entre sculpture et photographie en abordant la matière avec une sensibilité tridimensionnelle. Il ne se limite pas à capturer les textures et les reliefs : il crée également des sculptures, mariant esthétisme et symbolique. Pour Porsche, il a imaginé des œuvres uniques, dont une nouvelle version du Punky, une sculpture aux pointes rehaussées de feuilles d’or et sublimée par un blanc givré, incarnant un équilibre entre audace et raffinement.
Dans une autre approche, il rend hommage au métier de pâtissier et à l’artisanat à travers une sculpture saisissante : une main tenant une spatule, entièrement vêtue d’or illustrant le geste du pâtissier. Cette œuvre illustre la précision, la maîtrise et la noblesse du geste pâtissier, tout en magnifiant la beauté du travail manuel. Par l’éclat de l’or et la force évocatrice de la composition, il immortalise le savoir-faire d’un métier où chaque mouvement traduit une passion et une expertise transmises de génération en génération.
Patrick a également conçu une sculpture blanche inspirée d’un champignon de Paris, qu’il a imaginé en éclipse. Cette œuvre, épurée et de blanc immaculé, joue sur les formes organiques du champignon. En la photographiant, il a intensifié cette vision en créant un jeu d’ombres et de lumières qui évoque un paysage céleste.
Ce dialogue constant entre sculpture et photographie confère à ses créations une impression tactile et palpable, où chaque œuvre, qu’elle soit en volume ou en image, invite à explorer la matière avec un regard neuf. Que ce soit la densité d’un chocolat, la souplesse d’un feuilletage ou la grâce des formes naturelles, Patrick Rougereau repousse les limites de l’interprétation artistique.
Un nouveau souffle de la photographie culinaire
Cette exposition redéfinit la photographie culinaire en en faisant un art de la matière. Patrick Rougereau s’affranchit des codes traditionnels pour inviter le spectateur à contempler le monde ordinaire sous un nouvel angle. En révélant la beauté insoupçonnée de chaque texture, chaque détail, il propose une réflexion sur la manière dont nous percevons notre environnement quotidien. Ses œuvres deviennent un hommage à la matière, rappelant que chaque élément, si simple soit-il, renferme une richesse inexplorée.