Le juste prix d’une pâtisserie

Quel est le juste prix d’une pâtisserie ?

Difficile de résister à l’appel d’une tarte au citron acidulée, d’un millefeuille à la saveur vanillée, ou encore d’un Paris-Brest garni de praliné. Autant de gourmandises qui font chavirer chaque jour les papilles de nombreux Français.

Mon intrépide curiosité m’a poussée à réaliser un sondage auprès de 50 personnes (passionnés, foodies et grand public) pour mieux connaître le rapport des Français à la pâtisserie.

60 % des sondés affirment acheter au moins une pâtisserie par mois, et 40 % succombent à ce plaisir gourmand au moins une fois par semaine. Cependant, la propension à y consacrer un budget significatif demeure faible : seulement 30 % des sondés sont prêts à dépenser plus de 6 euros pour une seule pâtisserie.

Maïssa, maman de 4 enfants et pâtissière amatrice, explique : “Je peux dépenser 7 à 8 euros dans une pâtisserie si je sais qu’elle est conçue avec des matières premières de qualité.” Elle déplore cependant le “manque de transparence” de certaines pâtisseries, dont les prix, “excessifs et injustifiés”, s’élèvent parfois à plus de 8 euros.

Qu’est-ce qui justifie un tarif aussi élevé ? Quel doit être le juste prix d’une pâtisserie ?

Selon Cyril Gaidella, gérant et Chef pâtissier de la boulangerie-pâtisserie Zest’ à Neuilly-sur-Seine et Champion de France du Dessert 2017, le prix d’une pâtisserie est lié à plusieurs facteurs : la qualité des matières premières, le coût de l’énergie, la main-d’œuvre, l’emballage et les charges fixes.

L’augmentation des matières premières

Le Chef souligne l’importance de bien choisir et sourcer ses matières premières comme les fruits français, bio, de saison, issus de producteurs locaux ou d’une coopérative, du bon beurre, ou encore de la farine de qualité supérieure (provenant du Moulin des Moines dans le Bas-Rhin dans son cas), pour révéler le goût et les textures des pâtisseries.

Mais tout cela a un coût : la flambée du prix du beurre, conjuguée à la hausse des autres matières premières, a contraint les chefs à augmenter le prix de leurs pâtisseries. Les produits d’exception, très prisés en pâtisserie, comme la vanille de Tahiti et la pistache de Bronte, engendrent également un coût supérieur sur le produit fini. Enfin, le contexte géopolitique avec la guerre en Ukraine a favorisé l’augmentation du prix de certains produits comme l’huile de tournesol et le blé, dont la Russie est l’un des principaux exportateurs.

L’augmentation du prix de l’emballage

Les prix de l’énergie (gaz, électricité) sont également en hausse. Cela se répercute sur les appareils énergivores utilisés intensivement en pâtisserie, tels que le four, les plaques de cuisson, les robots, et les réfrigérateurs. Les emballages, produits à l’aide de machines énergivores, contribuent également à l’augmentation des coûts des pâtisseries.

Comment réduire la consommation d’emballages ?
La mise en place d’emballages ou de boîtes à gâteaux réutilisables, comme la boîte éco-responsable BentoGato, reste une option.

La main-d’œuvre
L’élaboration d’une pâtisserie peut demander des heures de travail et mobiliser beaucoup de personnel. Le Chef Cyril Gaidella affirme que chaque élément d’une pâtisserie ou d’un gâteau de voyage est réalisé à la main avec précision. De la confection de la pâte à la décoration finale, chaque étape nécessite du temps et du personnel mobilisé.

Ainsi, un cake au chocolat simple coûtera moins cher qu’un cake au chocolat sophistiqué, enrobé de chocolat au lait et garni de praliné. Ce dernier nécessite plus de main-d’œuvre, que ce soit en termes de travail sur la base, sur la cuisson, l’enrobage ou les finitions.

Ajoutons à cela le savoir-faire artisanal, qui inclut des années d’expérience à perfectionner ses compétences, à maîtriser les techniques complexes et à repousser les limites de la créativité sucrée. Ces créations uniques et originales justifient un prix plus élevé, fruit de ces années d’expertise.

Les charges fixes
Enfin, la hausse des prix peut également être attribuée aux coûts opérationnels associés à la gestion d’une pâtisserie. Le loyer élevé d’un emplacement stratégique, les salaires des employés qualifiés, l’achat, l’entretien des équipements spécialisés, ainsi que les dépenses liées à la mise en place d’un environnement agréable et accueillant pour les clients, contribuent à la fixation du prix des pâtisseries. Ces critères doivent être pris en compte pour assurer la viabilité économique de l’entreprise.

Quelles solutions s’imposent pour rendre les prix des pâtisseries plus accessibles ?
Pour le Champion de France du Dessert, il n’est pas question de “choisir des matières premières moins qualitatives”. Il serait plutôt enclin à “rationaliser les gammes, optimiser les achats et les recettes”.

“Il faut rationaliser les gammes et orienter les clients vers des pâtisseries plus rentables.”


Pour conjuguer rentabilité et adaptation aux attentes des clients, la rationalisation des gammes sucrées s’impose : les clients plébiscitent souvent, dans sa boulangerie, des gourmandises classiques telles que le flan, le cookie, les tartes, millefeuilles et Paris-Brest. Les classiques ne se démodent pas et demeurent rentables.

Pour éviter les pertes et le gaspillage, Cyril Gaidella optimise les recettes et les achats. Plutôt que d’acheter des ingrédients spécifiques pour chaque recette, il crée plusieurs recettes à partir d’un seul produit de base qu’il maximise, offrant ainsi une variété de choix à ses clients. Par exemple, il utilise le confit de citron pour l’intégrer à la fois dans une tarte aux fraises, un cake au citron, une tarte au citron ou même un éclair, réduisant ainsi les dépenses.

Le Chef limite les pertes en faisant un réassort des pâtisseries l’après-midi, qui resteront encore fraîches le lendemain matin. Il optimise ainsi la main-d’œuvre et le temps de travail du personnel au laboratoire, ce qui lui permet de générer des bénéfices.

Favoriser la transparence et la pédagogie
Pour renforcer le lien avec sa clientèle et répondre à leur besoin de transparence, Cyril affiche toute la composition des pâtisseries sur les étiquettes et échange régulièrement avec ses clients sur les matières premières utilisées et leur provenance. Il rassure ainsi ses clients, valorise pleinement ses engagements et justifie les prix de vente, permettant à chacun d’apprécier la pâtisserie consommée à son “juste prix”.

Mais finalement, ne dit-on pas que le bonheur n’a pas de prix ?